Le cauchemar des parents et des profs d’appui ? Les ‟pourquoi ?” incessants des enfants. Quelques stratégies de réponse.

Mais pourquoi on doit apprendre ça ? À quoi ça sert ? » Quel parent n’appréhende pas de telles questions ? Il faut avouer qu’elles possèdent un potentiel de migraine spécialement élevé. Mais bon, quand il s’agit de ses propres enfants ou élèves, on peut difficilement y échapper. Alors de multiples stratégies sont mises en place afin de limiter le calvaire. Quelques approches choisies pour une question mathématique, « Dis, à quoi ça sert le théorème de Thalès ? ».

L’Assommoir

Première stratégie : donner un maximum d’informations, en un minimum de temps. Cette technique a pour avantage indéniable de couper court à toute autre question. Néanmoins, elle reste assez contestable d’un point de vue pédagogique : si aucune question ne vient, c’est bien parce que l’enfant n’a strictement rien compris. Trop rapide, trop compliqué, voire plus du tout dans le sujet, tels sont les risques de cette approche.

Ainsi, il ne sert à rien d’expliciter Thalès en abordant ses applications en géométrie vectorielle, mieux vaut laisser le temps au temps et éviter de perdre les jeunes.

La théorie des langues mortes

Approche suivante, celle des adeptes de langues mortes : il s’agit de reconnaître l’inutilité de l’apprentissage en tant que tel mais stipuler un apport méthodologique non négligeable. C’est la fameuse théorie du « c’est pour t’apprendre de nouvelles manières de penser, de voir les choses ». L’élève ayant une chance de se sentir stimulé, cette stratégie semble pédagogiquement moins contestable que la première. Il faut cependant garder à l’esprit que la majorité restera insensible à un tel argumentaire.

Alors oui, Thalès s’approche des versions latines en poussant à retourner le problème dans tous les sens possibles afin d’en trouver la solution, mais peu en verront l’apport positif.

L’autruche

Stade supérieur de la théorie des langues mortes, la stratégie de l’autruche consiste à viser, non pas un développement personnel, mais uniquement un papier. Approche reine dans de multiples niveaux, elle refuse pourtant aux jeunes le droit de satisfaire leur curiosité et de comprendre le sens de ce qu’on leur demande. En effet, qu’y a-t-il de moins stimulant qu’une figure d’autorité qui nie toute utilité au travail accompli, par un simple « laisse tomber, je n’ai jamais compris non plus ». Nul besoin de préciser l’absence de toute qualité pédagogique, si ce n’est une certaine sincérité.

Donc, même si le théorème de Thalès peut paraître quelque peu superflu, il vaut mieux se taire que répondre qu’il sert à réussir l’examen.

Docteur Wiki

Gros blanc. Pas envie d’assumer devant l’enfant qu’on ne se rappelle même plus ce que stipule le fameux théorème, preuve s’il en est de sa grande utilité. Une seule solution : Internet. Il s’agit donc de s’esquiver discrètement afin d’aller vérifier et de revenir cracher un mélange entre ce que l’on vient de lire et de quelques vagues souvenirs tout juste remontés de quelques obscurs recoins de sa mémoire. Et le tout avec un grand sourire convaincu et une aisance évidente, bien entendu. Dans ce cas-là, faire preuve de pédagogie relève donc plutôt d’un certain talent d’acteur∙rice et d’improvisation que d’une réelle capacité. Mais, moyennant un certain talent, l’objectif reste atteignable.

La concrétisation

Reste les inconditionnel∙le∙s de l’application, un théorème digne de son nom se doit d’en comprendre une : coup de bol, le théorème de Thalès permet de reconnaître des triangles semblables et, par là, d’établir la hauteur d’un bâtiment. Objectif atteint, l’élève découvre une finalité à son travail. Il ne reste plus qu’à espérer que la question suivante comportera également une possibilité de concrétisation, c’est quand même plus simple.

À vous de choisir votre stratégie !

Illustration : Antoine Bouraly