Des zadistes sont barricadés en haut d’une colline à Eclepens (VD) pour faire cesser son exploitation par une entreprise de béton.  Interview d’une activiste.

Une vingtaine de jeunes activistes occupent depuis le 16 octobre une zone en haut du Mormont, une colline jonchant Eclepens dans le canton de Vaud. Une maison est occupée et deux barricades de bois ainsi que diverses constructions ont été mises en place afin de se protéger contre le délogement des autorités.  C’est une zone à défendre (ndlr : plus communément appelée ZAD et leurs occupants les zadistes), une pratique bien connue dans le monde de l’activisme. Leur revendication ? Empêcher la poursuite du minage de la colline par l’entreprise productrice de béton Holcim SA afin de protéger la biodiversité des prairies et de la forêt s’y trouvant. L’entreprise extrait le gravier du Mormont depuis 1953 et attend une décision du Tribunal Fédéral qui lui permettra ou non d’étendre le chantier d’exploitation de la colline. Nous avons interviewé une zadiste sur place le 24 octobre 2020. Elle préfère rester anonyme.

De haut en bas, la maison occupée par les zadistes, une des barricades de la ZAD et la carrière qu’exploite Holcim SA sur le Mormont.

 

Que faites-vous de votre quotidien ?

On fait que taffer. On se relaie pour les tours de garde y compris la nuit, car il faut toujours une présence aux deux barricades au cas où il y aurait des présences policières ou des choses à gérer. Dans un premier temps on a surtout renforcé ce qui était défensif, donc les barricades et la défense de la maison. Au fil des jours on a aussi pu commencer à faire des choses plus pour le bien-être, comme améliorer l’isolation de la maison ou amener des canapés.

Si le Tribunal Fédéral donne l’autorisation à l’entreprise de continuer à creuser qu’est-ce que vous faites ?

On est là pour défendre la colline tant qu’il y a un danger qui plane dessus. Si Lafarge Holcim a l’autorisation de continuer à creuser, on reste et on passe à une stratégie de défense plus active. Après je pense qu’ils vont nous demander de partir, puis porter plainte. Il va y avoir probablement un moment de dialogue avec la police, après ils vont essayer de nous expulser. Dans ce cas, on a quand même de quoi se défendre, comme des installations qui sont très chiantes en termes de temps et d’effort de police que cela demande pour les enlever. Les tripodes, les skypodes, les cabanes dans les arbres et on a aussi de quoi barricader la maison un moment.

Quels ont été vos rapports avec les autorités et Holcim SA jusqu’à maintenant ?

Il y a deux personnes du groupe Lafarge Holcim qui sont venus. On leur a fait visiter, on a discuté et c’était marrant parce qu’ils semblaient être d’accord avec plein de trucs qu’on disait, malgré leur position. La police vient souvent s’assurer qu’on va bien, qu’on dort bien au chaud, etc. Elle nous a demandé comment on gérait les déchets, ce qu’on ferait en cas d’incendie, quelles mesures on avait pris contre le Covid-19. On leur a montré un plan détaillé et ils ont paru assez satisfait et ils nous ont souhaité bon courage pour la suite. C’était assez cool (rires). Et sinon il y a le syndic de la Sarraz (ndlr : ville juste à côté du Mormont) qui est passé hier dans la matinée et c’était tendu. Il est venu avec un « sécu » et il insistait pour entrer dans la maison et l’inspecter, ce qui bien entendu n’est pas possible. On a pu désamorcer la situation, mais il a pris du temps pour accepter le fait qu’il ne pourrait pas entrer dans la maison.

Au niveau légal, il y a beaucoup de conséquences pour vous ?

Oui, les trucs principaux sont la violation de propriété privée et la détérioration de propriété privée, parce qu’on a percé des trous dans la maison, fait des réaménagements etc. Mais il y a surtout la possibilité d’avoir contrainte (ndlr : Art. 181 du code pénal, puni d’une peine de liberté jusqu’à trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire). À cause des barricades sur la route, on empêche les gens d’accéder à l’endroit. Cela peut constituer des peines fermes pour certaines personnes, notamment si elles ont déjà eu des antécédents.

PS: Le cimentier Holcim a récemment porté plainte contre les activistes et le syndic de La Sarraz demande leur expulsion au plus vite, mais les zadistes n’ont pas bougé. Affaire à suivre…

Crédits photos: Alexandre Salama