The act of killing fait définitivement partie des ovnis du cinéma documentaire. Joshua Oppenheimer, le réalisateur, s’est rendu en Indonésie 50 après l’un des pires massacres du XXème siècle qui fit plusieurs centaines de milliers de victimes dans une indifférence totale. Un demi-siècle plus tard, les survivants se font toujours discrets et hésitent à témoigner. Les bourreaux en revanche ne se sont pas fait prier pour évoquer ces événements devant la caméra. A cette plongée sans concessions ni jugement dans le monde des vainqueurs, s’ajoute encore le projet des bourreaux de rejouer les tortures et les exécutions « pour les besoins du film » en une glaçante mise en abyme des massacres de 1965.
Inutile de le préciser, The act of killing est un film-documentaire extrêmement dur. Avec ces hommes reproduisant leurs exactions passées devant la caméra, le film tire la notion de documentaire aussi loin que possible. La violence simulée n’est jamais choquante en soi (les «acteurs» usent et abusent de quantités baroques de faux sang kitsch), mais l’évocation rend le documentaire traumatisant; à l’exemple de cette scène où un ancien bourreau larde une peluche de coups de couteau pour expliquer comment il avait tué le nourrisson d’une communiste. On entre brutalement dans l’univers que ces criminels ont créé autour de ces meurtres et de toute la folie cachée qui en émane.
Florian Mottier