Les étudiant·e·s voient leur quotidien bouleversé par la pandémie du Covid-19 : l’enseignement à distance a été mis en place par les universités suisses dans l’urgence. Alors, bonne ou mauvaise idée ? Verdict.
Rendez-vous solitaire
Le printemps arrive : mais pas de tête à tête à l’horizon. Les rendez-vous se font dorénavant à distance, à l’abri des relations toxiques. Exit les rencontres en live : le télétravail is the new black. Zoom, Mediaserver, Webex, Switch… Il y en a pour tous les goûts. Fondamentalement, l’équation reste la même, à quelques variables près.
Libre comme un·e confiné·e
La liberté des Suisse·sse·s a été restreinte par la formule magique, mais thanks COD, le télétravail rééquilibre la balance. La flexibilité des horaires et le luxe de s’organiser comme bon lui semble ravit la majorité. Le réveil aux aurores forcé n’est pas regretté : le temps consacré aux trajets s’investit différemment. Dans l’intervalle, l’accès aux contenus reste garanti, sans perte de valeur qualitative significative. Sophie, étudiante en médecine à l’Université de Lausanne, se dit satisfaite de l’offre numérique proposée par ses professeur·e·s. La plupart ont échangé le micro contre la blouse blanche, mais ils·elles n’en sont pas moins investi·e·s dans leur rôle d’enseignant·e·s. « Dans cette situation urgente, ce changement de priorités est légitime », admet-elle. La tolérance l’emporte sur le scandale.
Trop de temps tue le temps
L’inexistence d’interactions sociales se fait cruellement sentir : une isolation conduisant à « un état constant de latence », selon Léa de l’Université de Genève. Difficile de se hâter au travail dans un environnement associé à la détente, parfois aussi parsemé de tensions familiales et de distractions à profusion. Juliette, étudiante à l’Université de Fribourg, souffre de procrastination : « La discipline exigée par le télétravail nécessite une adaptation drastique. Je me sens seule dans un stress permanent sans fin », soupire-t-elle. Elle se dit déçue que son Université n’ait jusqu’ici daigné lui tendre la main. « J’aurais aimé avoir du soutien de la part de l’Université. Par exemple un email général, avec des numéros de soutien à appeler en cas de problème ». Juliette pointe le doigt sur l’équilibre psychique des étudiant·e·s, négligé face à l’efficacité et la performance. « La santé mentale est trop peu souvent un sujet en société, et la situation actuelle n’améliore sûrement rien », rappelle-t-elle.
Futur incertain
Un gros point d’interrogation plane sur les séminaires, les travaux pratiques et les stages. Marie, étudiante en Master en pratique et fondement de la durabilité, se désole de son quotidien dépourvu de débats animés. L’étudiante constate la perte qualitative et quantitative d’information due à la disparition des discussions collectives. Pour des raisons pratiques, le télétravail ne s’adapte pas à toutes les facultés, comme en médecine dentaire : l’intégralité des cours pratiques de Candice sont annulés, équivalents à la moitié de son cursus initial. « La présence en clinique et l’accès au matériel ne sont pas substituables », rappelle-t-elle. Résultats : des examens repoussés et des lacunes majeures difficilement rattrapables. Et les stages imposés ? Difficile d’imaginer qu’une entreprise soit disposée à embaucher du personnel dans ces conditions. Anouk, étudiante à l’École hôtelière de Lausanne, se prépare à voir son semestre annulé. Fidèle à elle-même, l’EHL se soucie avant tout du bon encaissement des écolages. On n’est pas sorti·e·s de chez nous…
Illustration : Antoine Bouraly