Les thunes ou la vie ?

Moi, ce qui me prend le plus aux tripes dans cette crise sanitaire, c’est ce qu’elle dit du système dans lequel on vit.

Ça me met en rogne, quand j’apprends que ce sont les coupes budgétaires dans le domaine de la santé que l’État applique méticuleusement depuis des années et le déni gouvernemental de l’état d’urgence climatique qui nous mettent actuellement dans une telle mouise. Quand on sait que de 1998 à 2011, le nombre de lits d’hospitalisation a été réduit de 15%, y a de quoi avoir la haine. Quand on sait que le coronavirus a pour espèce hôte un type de chauve-souris dont on a détruit l’habitat et qui pour cette raison s’est rapproché des habitats humains, y a de quoi avoir la haine. Quand on sait que tous les jours, la Confédération fait appel à la responsabilité individuelle à coups de « Restez chez vous ! » et que parallèlement, elle appelle à maintenir l’économie à 80% alors même que le télétravail, c’est un privilège auquel tout le monde ne peut pas prétendre, y a de quoi avoir la haine.
J’ai appris dernièrement que l’UDC, le PLR et les milieux économiques plaidaient pour la réouverture des commerces et des entreprises au plus tôt. Il s’agirait, selon ces partis, d’éviter une crise économique « qui tuerait plus de monde que le virus. » Cette comparaison me choque : on a, d’un côté les morts du coronavirus, de l’autre les conséquences économiques de la crise sanitaire. Pourtant, là où le virus tue irrémédiablement, la crise économique ne tue que si le gouvernement veut bien la laisser faire. Au fond, qu’est-ce que cette crise dit du système capitaliste dans lequel on vit ? Là où le virus s’impose à tou·te·s, la manière de gérer la crise économique est entre les mains du gouvernement qui, s’il le veut, peut faire preuve de solidarité en redistribuant équitablement le PIB disponible pour sauver un maximum de vies.

Entre l’argent et la vie, vous choisiriez quoi, vous ?

Alors forcément oui, je suis en colère contre la Confédération. Je savais que l’économie était pour le gouvernement suisse l’équivalent du nouveau Dieu, mais à ce point ?

C’est qu’on sera bien beaux·belles, demain, à crever la bouche ouverte avec tous nos jolis petits sous dedans. Quand le moment sera venu, on verra bien si cet argent valait plus que nos vies… ou celles de nos proches les plus vulnérables.

Rédactrice : Kaziwa Raim

Une confiance totale…mais pas pour tous·te·s

Applaudissements quotidiens, myriades d’interviews, tout est mis en place pour que ceux et celles qui sont « au front » se sentent soutenu·e·s. Cela dénote pour sûr de la confiance indéniable qui leur est accordée, confiance sans faille en leur capacité à tenir leur rôle. Cependant, cela me laisse aussi perplexe.

En effet, nous avons, nous aussi, notre rôle à jouer dans cette crise. Et notre rôle est simple. Il consiste à respecter des directives et à faire preuve de bon sens. Or, certain·e·s semblent penser que nous n’en sommes pas capables. À la responsabilité individuelle, ils et elles opposent la rigidité des lois.

Auriez-vous épuisé votre capital confiance lors des applaudissements ? Craignez-vous que, du fait de notre moindre implication, nous n’oublions ces préceptes et les raisons pour lesquelles ils ont été édictés ? Mais ne vous inquiétez pas, nous ne risquons pas d’oublier notre devoir avec les « Restez chez vous » qui pleuvent… Il se trouve simplement que nous accordons plus de poids à la notion de bon sens qu’à une rigidité pesante qui nous étoufferait.

Du sol au balcon, le retour d’un ancien mode de communication

Attention, nous ne parlons pas ici de « vivre normalement » mais bien de vivre. Laissez-nous respirer tant que la sédentarité, ainsi que tous ses méfaits, ne nous est pas encore imposée. Ne la précipitez pas, ne serait-ce que par égard envers l’économie. Nous avons la chance inestimable de vivre dans un pays où les espaces naturels sont encore légions, laissez-nous en profiter ! En nous promenant, seul·e·s, nous ne risquons pas d’engorger les urgences, qui plus est, la nature paraît suffisamment grande pour conserver les distances. Alors laissez-nous nous y ressourcer. Ce virus n’est pas doté de pattes ni de quelque autre appendice lui permettant de s’embusquer aux endroits les plus improbables et de couvrir des distances déraisonnables. Laissez-nous donc égailler les journées de nos anciens, et atténuer judicieusement leur isolement, en rejouant avec eux la scène du balcon de Roméo et Juliette.

Faites-nous confiance !

Rédactrice : Michèle Dussex