« Pour les jeunes en bonne santé, le COVID-19, c’est juste une grippe. » Ah oui ? Pas si sûr… Entretien avec une étudiante touchée par l’épidémie.
Malgré l’ampleur impressionnante de l’épidémie de Covid-19, les symptômes de cette maladie restent flous pour certaines personnes. Selon une croyance populaire, elle représenterait un danger uniquement pour les personnes âgées et pour celles et ceux ayant un déficit immunitaire. Ainsi, chez les jeunes en bonne santé et sportif·ve·s, les effets seraient bénins et les douleurs relativement faibles. Valérie Pittet, 22 ans, étudiante fribourgeoise en Psychomotricité à Zurich, raconte l’enfer qu’elle a vécu.
Une « grosse grippe », paraît-il
« Mes premiers symptômes sont apparus le samedi 14 mars. Je me suis sentie faible et un peu bizarre. Alors que je devais rentrer à Fribourg, j’ai préféré rester dans ma colocation à Zurich par précaution. » La situation évolue très vite. À midi, Valérie tousse déjà énormément, et à 23h30, elle ressent de très fortes douleurs : « J’avais une sensation de gaz dans les poumons et une douleur d’une intensité extrême au thorax. C’était comme si quelqu’un·e tentait de me transpercer derrière les omoplates avec un bâton. » Paniquée, elle appelle la hotline du HFR le dimanche matin : hormis des difficultés respiratoires, elle présente tous les symptômes du Covid-19. « Mes colocataires et moi avons reçu l’ordre de rester chez nous pendant au moins cinq jours et d’avertir nos camarades de classe. » Petit à petit, Valérie apprend à connaître le virus : « J’avais trois vagues de douleurs, une à midi, une à 23h30 et une à deux heures du matin. Pendant ces moments, mon cœur s’emballait, jusqu’à 160 pulsations par minute ! Cela durait environ un quart d’heure, puis ça se calmait. » Ses nuits sont atroces : « J’avais l’impression de me battre contre la mort ». Face à cette souffrance, son seul calmant est du paracétamol : « Je devais tout gérer seule, la dose de médicament, les douleurs, … C’était difficile. Heureusement, ma tante pharmacienne m’a donné de précieux conseils. »
L’hôpital pris au dépourvu
Au départ, Valérie ne pense pas avoir besoin de se rendre à l’hôpital. Et pourtant : « Au milieu de la nuit, les douleurs sont devenues si fortes que j’ai appelé le service des urgences. De l’eau s’était accumulée dans mes mollets à force d’être restée couchée et j’avais l’impression que ma tête gonflait. » Après l’avoir fait patienter deux heures au bout du fil, les urgences la pressent de venir : « Quand je suis arrivée à l’accueil, j’ai ressenti un malaise. J’avais l’impression d’être regardée comme si j’étais une extraterrestre. Le jeune personnel, certainement des étudiant·e·s en médecine, semblait totalement perdu face à la situation. Finalement, une doctoresse s’est occupée de moi. » Valérie n’a pas été testée au Covid-19 car les tests sont réservés au personnel soignant et aux personnes à risque. Mais dans son cas, il n’y avait pas de doute : elle présentait tous les symptômes de l’épidémie. « À la suite de ce passage aux urgences, j’en ai bavé pendant quatre jours. J’avais des courbatures et des contractions musculaires que seules les douches chaudes soulageaient. C’était horrible. Chaque nuit était différente. Le plus dur est qu’on ne sait pas combien de temps cela va durer. Et puis rester enfermée seule dans sa chambre pendant deux semaines, c’est physiquement et psychologiquement très éprouvant. »
Et son opinion dans tout ça ?
« Je me suis sentie mal informée. Les médias n’avaient pas parlé d’intenses douleurs. Avant ma maladie, mes colocataires et moi adoptions les précautions sans réellement prendre la chose au sérieux. » Lorsque l’épidémie frappe l’étudiante, la colocation commence à respecter rigoureusement les consignes d’hygiène : désinfecter les poignées de portes, laisser le repas de Valérie devant la porte de sa chambre, etc… « Mes colocataires ont plutôt bien accepté cette situation de confinement. Il y a eu une grande solidarité. Nous vivions au jour le jour. »
Au niveau politique, Valérie adhère aux mesures prises par le Conseil Fédéral : « Ils essaient de faire en sorte de responsabiliser la population. Cependant, j’ai ressenti de la rage et de la déception envers les médias. J’ai l’impression que les gens ne se rendent pas compte de la souffrance causée par ce virus. C’est pourquoi, avec deux ami·e·s, nous avons décidé de créer une vidéo de sensibilisation. »
Texte : Manon Savary et Maxime Ducrest
Illustration : Antoine Bouraly
Citation du titre : Albert Camus, La Peste (1947)