Dossier FIFF: Critique Klondike
À l’occasion de la 36ème édition du Festival international du film de Fribourg (FIFF), Spectrum vous propose une couverture des différents films et autres conférences qui parsèment le festival: Notre avis sur le film Klondike.
Rien que par son sujet faisant tristement écho à l’actualité, le gagnant du Grand Prix de cet édition du FIFF Klondike rencontrera son public. Mais si cette chronique familiale guerrière narrant le quotidien d’un couple essayant tant bien que mal de survivre en zone de guerre nous attirera d’abord pour la curiosité qu’elle suscitera en nous, c’est avant tout la qualité du 5ème film de Maryna Er Gorbach qui saura nous convaincre. En effet, sa présence en compétition internationale du 36ème FIFF ne saurait être liée aux événements tragiques qui accablent l’Ukraine depuis le 24 février 2022 (la programmation du festival a été effectuée bien avant les récents événement la présence du film ici n’est donc qu’hasard aussi malheureux que fortuit selon les dires du directeur artistique Thierry Jobin). Klondike est avant tout un drame intimiste poignant montrant avec authenticité et dépouillement la vie pendant une guerre.
Klondike raconte l’histoire de Irka et Tolik, un couple vivant dans une ferme dans le village de Hrabove dans le Donbass qui voit son quotidien chamboulé, d’abord par une bombe qui détruit le mur de leur maison, puis par le crash du MR17 qui survient non loin de leur lieu d’habitation. Sentant que la situation commence à sérieusement dégénérer, Tolik souhaite évacuer sa femme enceinte depuis plusieurs mois dans un lieu plus sûr mais doit vite se résigner face au refus de cette dernière de quitter le domicile familial… Tout en longs plans-séquences contemplatifs, Klondike frappe par la complexité psychologique de ces personnages et dresse un portrait trivial et banal de la guerre. C’est d’ailleurs là la très grande intelligence du long-métrage qui ne montre même pas frontalement le crash du MR17. Comme nous le confiait Maryna Er Gorbach, son intention était de placer le.la spectateur.trice dans une position d’observateur.trice des événements et opte ainsi pour une mise en scène extrêmement détachée et objective qui décrit le quotidien des personnages de façon extrêmement détaillée. Usant des possibilités d’un cadrage très bien pensé, le film met à contribution le vide et la beauté des grands espaces ukrainiens.
Notamment en délimitant l’horizon par le biais du trou béant dans le mur de la maison d’Irka et Tolik, détruit par une bombe ayant littéralement forcé la réalité de la guerre dans la bulle intime du couple (idée brillante du long-métrage: le mur détruit était recouvert par un gigantesque poster montrant un horizon tropical auquel succède le paysage réelle de la campagne ukrainienne en proie aux bombardements). Forte de ses rigoureuses recherches et des récits de personnes ayant véritablement vécu les événements de 2014, Maryna Er Gorbach livre un film étonnamment calme et méditatif réfléchissant à chaque instant sur une double déchirure: celle, morale, de ses personnages et celle, nationale, de son pays.
Klondike est donc un film qui n’a pas volé son couronnement. Né de la volonté de son autrice de médiatiser les événements tragiques de la guerre du Donbass face à un désintérêt national particulièrement insupportable (le titre faisant référence au Klondike canadien de la ruée vers l’Or s’explique en partie par la volonté de rendre le film international), le long-métrage de Maryna Er Gorbach se révèle être un film puissant, déployant son impact avec une force tranquille jusqu’à un dénouement choc qui hantera le.la spectateur.trice longtemps après la fin du visionnage…