Dossier FIFF: Critique La Civil
À l’occasion de la 36ème édition du Festival international du film de Fribourg (FIFF), Spectrum vous propose une couverture des différents films et autres conférences qui parsèment le festival: Notre avis sur le film La Civil.
La Civil de Theodora Mihai, en compétition officielle, raconte le désarroi de Cielo, une mère seule qui, un jour qu’elle laisse sa jeune fille Laura sortir avec son conjoint, se fait aborder par un jeune homme qui prétend l’avoir enlevé. Il lui propose de la lui restituer à condition qu’elle lui fournisse 150’000 pesos et le SUV de son mari fortuné avec qui elle a coupé les ponts. Bien qu’initialement disposée à payer le malfrat, elle décide, face au refus du jeune homme de tenir sa promesse et en réaction à une police inopérante, de tout risquer pour retrouver sa progéniture…
Selon les dires d’Arcelia Ramìrez, comédienne principale du film qui nous a fait l’honneur de sa présence à la projection du film, La Civil raconte, certes, un destin individuel mais surtout “la blessure profonde que vit le Mexique.” En effet, cela fait longtemps que les cartels mexicains extorquent les citoyen.ne.s en enlevant les membres de leur famille tout en les assassinant afin de capitaliser sur l’espoir des leurs parent.es.
Le film devait à l’origine être un documentaire censé mettre en lumière ce triste état de fait. Mais alors que Theodora Mihai entreprend ses recherches, elle est frappé par le récit authentique d’une mère qui avait entrepris de retrouver les coupables du meurtre de sa fille. Si la Civil est aujourd’hui devenue une fiction, la volonté de réalisme brut de Mihai n’a pas disparu, osant dépeindre sans détour la violence et l’immoralité d’une société où la fin justifie les moyens, en proie à l’incompétence et à la corruption. La caméra portée colle constamment à la peau de Cielo dans des longs plan-séquences qui réussissent le tour de force de paraître improvisés. Alors qu’en réalité, ces derniers ont nécessité des chorégraphies complexes et une grande préparation comme nous l’a confié Arcelia Ramìrez pour qui La Civil a été le tournage le plus physique de sa carrière.
L’actrice nous livre une interprétation époustouflante, dessinant une Cielo tour à tour impuissante et perdue, brutale et froide mais toujours poignante. La radicalité naturaliste de Mihai aura néanmoins pour effet de laisser certain.es spectateur.trices sur le carreau car si plusieurs scènes sont extrêmement réussies, beaucoup tirent sur la longueur et tendent à malheureusement diminuer l’impact des moments les plus intenses du film qui aurait pu se passer de quelques saillies contemplatives un peu caricaturales.
Reste une fin magnifique et la grande sincérité d’un film tourné en six semaines pendant la pandémie où toute l’équipe “était là pour tout donner” selon les propres mots d’Arcelia Ramìrez..