Dossier FIFF: Critique Escape from Mogadishu

À l’occasion de la 36ème édition du Festival international du film de Fribourg (FIFF), Spectrum vous propose une couverture des différents films et autres conférences qui parsèment le festival: Notre avis sur le film Escape from Mogadishu.

 

Gigantesque succès de l’année 2021 au box office sud-corréen, il ne fait nul doute que ce Escape from Mogadishu, film d’ouverture de cette 36ème édition du FIFF, sera l’un des grands moments de ce festival ! En effet, à la fois film politique ambitieux, drame historique tendu et blockbuster spectaculaire, le onzième film de Ryu Seung-Wan s’avère être une véritable bombe ! Il nous compte l’histoire (inspirée de faits authentiques) de la concurrence que ce livrèrent à la fin des années 80 les ambassadeurs des deux Corées pour obtenir les faveurs du dictateur Mohammed Siad Barre afin que ce dernier ne les aide à accéder au statut de membre de l’ONU. Mais alors que la guerre civile en Somalie éclate, les deux camps devront mettre de côté leurs différends pour s’échapper d’un pays où ils ne sont plus les bienvenus…

Passés maîtres dans l’art de la rupture de ton, les cinéastes de l’école sud-coréenne savent toujours nous livrer des films à la fois populaires et intellectuellement ambitieux. Ryu Seung-Wan en fait partie. Son Escape from Mogadishu est servi par un scénario habile qui prend le temps de correctement caractériser chaque personnage afin que le.la spectateur.trice  soit toujours au fait des enjeux et, de ce fait, constamment investi dans l’histoire. Celle-ci s’abstient, dans la plus pure tradition sud-coréenne, de livrer un traitement manichéen des personnages pour mieux critiquer les structures dans lesquelles iels s’inscrivent. Elle raconte, par la même, la faiblesse de la diplomatie face à la corruption endémique (on parle tout de même de deux délégations qui tentent de convaincre un dictateur de les aider à intégrer l’ONU, une organisation qui devrait en théorie condamner ce même dictateur). L’autre grande force du récit est de décrire à quel point les grands idéaux deviennent obsolètes face à la nécessité de survivre.

Tout cela suffirait pour faire un bon film mais la mise en scène virtuose de Ryu Seung-Wan vient véritablement transcender les qualités du film. Qu’il est bon d’enfin revoir sur un grand écran un film qui transmet son histoire par la narration visuelle. En effet, Seung-Wan use de tous les moyens que lui offre le cinéma pour retranscrire toute la tension des situations. La caméra virevolte parmi les acteur.trices (tous excellent et charismatiques par ailleurs) et cadre leurs faits et gestes avec précision afin représenter leurs intentions et leurs personnalités avec clarté et dynamisme. La musique et le montage ne sont pas en reste et certaines scènes couperont le souffle de bien des spectateur.trices.

Escape from Mogadishu est une bouffée d’air frais pour qui est blasé par un cinéma hollywoodien trop souvent balisé et fade et prouve qu’il est bien-sûr encore possible de voir au cinéma des œuvres ambitieuses, politiques et fondamentalement populaires.

 

4DX Pourquoi !

Si l’enthousiasme de découvrir Escape from Mogadishu sur un grand écran est immense, il est d’autant plus regrettable qu’un procédé aussi factice et distrayant que le 4DX (pour rappel: expérience “immersive” de cinéma où le.la spectateur.trice est rivé sur un siège en mouvement censé amplifier les sensations d’un film) viennent gâcher une telle expérience. En effet, un film comme Escape from Mogadishu n’a pas besoin d’un tel dispositif et sa force de frappe en est même réduite. Les secousses, les particules et autres effets atmosphériques se révèlent particulièrement distrayant au point que, comble de l’ironie, ils en viennent à parfois couper l’immersion purement et simplement.