Dossier FIFF: Critique de The World, The Flesh and the Devil (SPOILERS)

À l’occasion de la 36ème édition du Festival international du film de Fribourg (FIFF), Spectrum vous propose une couverture des différents films et autres conférences qui parsèment le festival: Notre avis sur le film The World, The Flesh and The Devil, sorti en 1959.

 

En 1959, on ne s’embarrassait pas de backstories interminables et inutiles pour présenter les personnages avant de véritablement faire commencer l’histoire. Le film s’ouvre donc sur Ralph Burton, un jeune afro-américain campé par Harry Belafonte et travaillant dans une mine. Quinze secondes après le début du film, un éboulement a lieu, obstruant la sortie et enfermant le pauvre homme profondément sous terre pendant plusieurs jours. À sa sortie, il découvrira un monde déserté et apprendra à ses dépends que l’humanité toute entière s’est éteinte. Ambiance… Nous suivrons alors ses pérégrinations pour rejoindre New York et tenter d’y survivre, tout en résistant à la folie qui le guette.

© Turner Classic Movies

Revenons sur le terme afro-américain utilisé plus tôt, car The World, The Flesh and The Devil est un film qui parle de racisme sans vraiment aborder le thème, ou alors très brièvement. Comme nous le découvrirons par la suite, Ralph Burton n’est pas le seul être humain à avoir survécu à l’apocalypse nucléaire. Il rencontrera ainsi Sarah Crandall, une jeune femme blanche interprétée par Inger Stevens.

Une sincère amitié naîtra entre les deux êtres, qui évitent soigneusement d’aborder la question du repeuplement de la planète, du moins jusqu’à un certain point. L’on comprendra que Ralph porte avec lui les stigmates de la ségrégation, malgré la fin du monde. Ainsi, il ne se sent pas légitime en tant qu’homme noir pour séduire une femme blanche, malgré le fait qu’il ait des sentiments envers Sarah.

Elle dira d’ailleurs à un moment : « I am free, white and 21 and I’m gonna do what I please ». En français : « Je suis libre, blanche et majeure, et je vais faire ce qu’il me plaît ». On appréciera le tact.

L’histoire se complique encore quand un troisième survivant est découvert, en la personne de Benson Thacker, incarné par Mel Ferrer. Ben Thacker est blanc, et Ben Thacker est bien plus déterminé et direct que Ralph, tout en étant également bien moins respectueux que lui de Sarah et de son libre arbitre. Et nous voilà dans une belle situation de triangle amoureux !

Ben considère Ralph comme un rival dans la conquête de Sarah, et va bien le lui faire comprendre. Ralph estime qu’il doit s’effacer au profit de Ben, qui serait un meilleur parti pour Sarah. Mais personne n’ose demander à Sarah ce qu’elle désirerait. C’est bête, parce qu’il semblerait bien que Sarah ait son propre avis, mais Ralph, décidément, n’ose pas, et s’efface. C’est frustrant, car on le sait pourtant, que c’est Ralph que Sarah choisirait, plutôt que ce malotru de Ben Thacker !

Le film s’achève sur une chasse à l’homme entre Ralph et Ben, initiée par ce dernier pour régler la situation. Mais Ralph aura le dessus, non pas par la force, mais par la noblesse. Il refuse de tuer un autre homme, ce qui est d’autant plus absurde dans ce monde post-apocalyptique. La toute fin est quelque peu décevante cependant. On voit en effet Sarah tenant la main de Ralph et de Ben, les trois marchant vers un monde nouveau qu’ils s’apprêtent à reconstruire. Suite à la tentative d’assassinat commise par Ben Thacker, cela aurait semblé quelque peu plus pertinent que Ben s’en aille tandis que Ralph et Sarah continuent de leur côté. L’on peut cependant se réjouir du fait que le triangle amoureux ne soit pas résolu et que le film ne se termine pas en comédie à l’eau de rose.

En résumé, c’est un excellent film : l’image est sublime, de même que la photographie et la mise en scène. Les acteurs sont excellents et, cela n’a pas été relevé plus tôt, mais c’est un film très drôle ! Il est aussi intéressant de voir la manière dont les histoires étaient racontées au cinéma dans les années cinquante. Quoi qu’il en soit, ce film n’a quasiment pas vieilli, mis à part de très menus détails, c’est pourquoi votre rédacteur le recommande chaleureusement !