On pourrait croire, après une pandémie et une mise en avant du concept de consentement dans les médias, que respecter l’espace privé des autres serait normal. Que nenni !

Vous voyez, cette zone autour de votre corps dans laquelle la présence d’autrui n’est la bienvenue que sur invitation. Cette zone varie en taille selon le contexte : dans un bus bondé, se coller à un·e inconnu·e peut être normal alors que, dans le même bus vide ce n’est pas accepté socialement, et pour une bonne raison. Cet espace privé symbolise un certain confort que chacun est en droit d’attendre des autres.

« Mais bon, en soirée dans une salle bondée, quand tout le monde danse, c’est pas évident… ». Non c’est loin d’être facile, je conçois, mais cette absence de facilité implique-t-elle de ne pas essayer? Et bien ma réponse est simple, non.

Je ne parle pas que de respect mais de bienveillance et d’intentionnalité. Bousculer quelqu’un en soirée? On se retourne et on s’excuse, c’est le minimum non?

Revenons à nos moutons. Comme son titre l’indique, ce n’est pas des bousculades inattentives dont ce coup de gueule veut parler, c’est bien de CE gars relou en soirée. Si vous avez la fortune de faire partie de la gent féminine, vous allez tout de suite comprendre de qui je parle. Si ce n’est pas le cas, laissez-moi vous le présenter.

Le gars relou, on le repère dès notre arrivée. Il est seul ou avec un ami mais ne fait jamais partie d’un grand groupe, au risque qu’on lui reproche son comportement. Il ne danse pas. Il regarde les autres danser. Son regard parcourt la salle continuellement. Jusqu’au moment opportun où il repère le groupe de femmes qu’il va déranger. Il est capital de noter que ce groupe n’est constitué d’aucun homme, qui sont de merveilleux anti-relous. Il s’approche de ce groupe, le regard fixé sur celui-ci. Lorsqu’un contact visuel est engagé, il le maintient bien plus longtemps que nécessaire. Il dérange, non pas par sa simple présence mais par son comportement de prédateur. Il reste près de de ce cercle qu’il a pris en proie, cercle non seulement très conscient de sa compagnie mais l’ignorant activement tout en étant sur ses gardes. Elles sont aux aguets et repèrent déjà l’agent de sécurité, qui va peut-être devoir leur venir en aide. Les plus courageuses lui disent de s’en aller, mais il reviendra. Il reviendra sûrement pour « s’excuser », mais n’acceptera pas l’indifférence comme réponse et, il faudra lui redire, au risque de se répéter, de s’en aller.

C’est lui aussi qui, quand il passe derrière toi, place sa main sur le bas de ton dos sans aucune gêne ni nécessité. Ne touche pas à mon corps bon sang! Tu n’as pas à me déplacer hors de ton chemin comme un meuble mal placé. En tant qu’être vivant, tu peux dire pardon au lieu de me prendre par les épaules et me déplacer d’un mètre comme un vulgaire objet.

C’est son regard qui te rappelle de mettre ta main sur ton verre, au cas où on y verserait du GHB, mieux vaut prévenir que guérir. Mieux vaut passer une mauvaise soirée en étant alerte qu’une mauvaise soirée droguée et finissant à l’hôpital et au poste de police. Ces agents qui diront « mais on ne peut rien faire madame, on n’a pas de preuve que c’était lui ».

C’est toujours à cause de lui qu’on se retourne plusieurs fois en rentrant de la soirée, quand on marche seule dans la rue. On connaît les statistiques, les violeurs sont rarement des inconnus dans la rue, mais rarement ne veut pas dire jamais. Alors on marche avec les clés entre les doigts, au cas où il faudrait utiliser se poing américain de fortune. On fait un détour pour rester le plus longtemps sur la rue éclairée par les lampadaires, qui nous permettent de juger à quelle distance est la personne qui marche derrière nous, grâce à son ombre.

Sans adoucir mes propos, je précise que ce n’est pas de la drague, ce que le gars relou fait. La drague, ce sont des regards échangés, des sourires, c’est un jeu qui a pour but de déceler si l’autre nous porte le même intérêt qu’on lui porte. C’est réciproque. La ligne peut être fine et trouble entre drague et harcèlement. En cas de doute, on appuie sur les freins.

Les mentalités changent lentement mais sûrement, les agent·e·s de sécurité et serveur·euse·s hésitent de moins en moins à mettre ce gars à la porte pour le plus grand plaisir des Girls Night Out (sorties entre filles).

 

Texte : Laurie Nieva 

Illustration : Pinterest