Lorsque la personne chargée de présenter «Historias extraordinarias» annonce que le film dure 245 minutes et qu’il ne contient pas de dialogues, un rire anxieux parcourt la salle. Quatre heures plus tard, les lumières se rallument et dévoilent un public séduit par ce film aussi fascinant que surprenant, lequel lui a entre autres permis d’assister à un meurtre, une chasse au trésor, un incendie et une quête de monolithes. Autant l’annoncer d’emblée: il est quasiment impossible de résumer ce chef d’œuvre du réalisateur argentin Mariano Llinàs, construit autour de trois intrigues parallèles.
La première se concentre autour d’un certain X, assistant par hasard à une tentative d’assassinat. Après s’être emparé de documents trouvés sur les lieux du crime, il prend la fuite afin d’échapper aux meurtriers. La deuxième intrigue met en scène le jeune H, chargé de parcourir un fleuve afin de prendre en photo des monolithes prouvant la mise en place d’un chantier de drainage entamé plusieurs années auparavant. La dernière histoire narre le périple de Z, lancé sur les traces d’un homme mort dont il ne lui reste qu’un carnet et une carte semblant indiquer l’emplacement d’un trésor. Ces trois histoires que rien ne semble à priori réunir marquent cependant le point de départ de voyages improbables. Outre son contenu extrêmement riche, le film se distingue par sa forme narrative. Les personnages eux-mêmes ne prononçant pour ainsi dire aucune parole, ce sont trois voix off qui se chargent de relater l’action.
La complexité de la trame est renforcée par des narrations au sein même des différents récits, ce qui déroute dans un premier temps le spectateur qui essaie d’établir des liens entre les différentes intrigues. L’on comprend cependant assez vite que l’intention du réalisateur n’est pas de permettre à son public de saisir la structure complexe de son film, mais simplement de l‘inciter à se laisser bercer par ce flot d’histoires. Cette relative confusion est d’ailleurs totalement assumée par le narrateur qui n’hésite pas à apporter un regard ironique sur le film et semble prendre un malin plaisir à jouer avec le spectateur en lui demandant, après plus de 3h30 de film, s’il a encore le courage de se plonger dans un nouveau récit! Prenant à contrepied la curiosité du spectateur, comme pour s’en moquer, le narrateur n’hésite pas non plus à raconter certaines actions avant même que celles-ci ne se produisent. Cette distance entre la narration et l’action donne lieu à de véritables moments d’humour qui confèrent beaucoup de légèreté à ce très long film.
Historias extraordinarias, malgré une mise en scène relativement simpliste (à noter qu’il a été réalisé avec seulement 30’000 dollars!), ne comporte pas une seule longueur. La finesse et l’inventivité du scénario relancent sans cesse le rythme du film, qui porte décidément très bien son nom.
Marie Torello