Le jeune duo composé de Florent Morisod et d’Andrea Savoy a publié un recueil de poèmes illustré que notre rédacteur s’est empressé de dévorer. Critique.

Illustratrice : Andrea Savoy.

La première question qui me vient à l’esprit lorsque je tiens le livre dans mes mains, c’est qui, de nos jours, lit encore de la poésie, ou penserait à acheter un recueil de poésie, tout illustré soit-il ? C’est une pensée bien triste, car sous une forme ou une autre, tout le monde apprécie la poésie et la magie des rimes, mais personne ne prend le temps de lire cela. De moins en moins de gens lisent, et ceux qui le font lisent plus volontiers des romans. L’on préfère la prose aux vers. Le pari est donc risqué, et plus encore sous la forme que Florent Morisod et Andrea Savry proposent ici : iels ont pensé le recueil de façon à le lire d’une traite, et non pas un petit poème de temps à autre. J’ai donc joué le jeu. Je l’ai lu de la première à la dernière page en une petite demi-heure, car il se lit vite, ce recueil de poèmes, et ce pour une très bonne raison : il est fluide. Il accompagne son lecteur ou sa lectrice avide, le chapitrage donne cette impression d’avancer thématiquement, les illustrations aquarelles de toute beauté viennent donner une atmosphère très nébuleuse, onirique, on avance sans trop comprendre ce que l’on veut nous dire, mais on sent que c’est important qu’on le comprenne, qu’on le ressente. Certains poèmes sont très classiques dans leurs formes, usant d’alexandrin et d’une construction en quatrain. D’autres sont plus modernes, se permettant de jouer, comme dans le poème « Le Val » qui propose quelques vers en gras pour renforcer l’impacte des mots, comme si l’auteur cirait ses phrases.

Alors on comprend, sans trop savoir quoi, mais l’on comprend que c’est beau. On la ressent, cette beauté, sans réussir vraiment à mettre le mot dessus, l’on se demande simplement, en refermant le livre, pourquoi on n’en lit pas plus, de la poésie. Mes trois coups de cœur : « Le Phare » pour son illustration fantastique et pour ces quelques vers que je partage ici, sans trop en révéler :

« Isolé au large des côtes, au cœur du Phare,

Un marin, un gardien à l’aspect blafard,

Fantôme ancestral d’une tour séculaire

Faucon des mers à la vision circulaire. »

Le second est sans nul doute « Et si… » avec son illustration d’une simplicité et pourtant d’une violence redoutable, qui vient contraster brutalement la brume douce de pensées dans laquelle l’on s’était jusqu’alors laissé emporter. C’est osé de sortir d’un coup comme cela son lecteur ou sa lectrice de l’état dans lequel iel avait été plongé·e. Et enfin, « Le juge » que l’on peut aisément imaginer comme un discours prononcé en pleine révolution, pleins d’accusations, de colère mais aussi, de détermination. C’est fort, ça touche juste et c’est super, faîtes-vous plaisir, lisez « parfum d’éphémère ».