À Fribourg, une partie non négligeable de la population parle le suisse allemand et le français. Pourtant, une véritable politique bilingue peine à se mettre en place au niveau des autorités.

Grincements de dents suite à la proposition de saluer les arrivants en gare fribourgeoise par un panneau «Fribourg-Freiburg», débat houleux autour de la question de l’enseignement des langues à l’école obligatoire: la gestion de la question du bilinguisme en ville de Fribourg semble parfois tenir davantage du cheveu sur la langue que du chant du Rossignol.

De minorité nationale à majorité locale

Raphael Berthele, membre de la direction de l’Institut du plurilinguisme à Fribourg, observe la situation dans la cité des Zaehringen: «Pour un chercheur, la situation fribourgeoise est très intéressante. Nous avons la minorité nationale qui est la majorité locale, et on assiste ainsi à des jeux de pouvoir. Sur le plan local, on pourrait voir une certaine revanche qui est parfois prise sur la majorité nationale.»

Une politique qui sépare

La situation se nuance aussi sur le plan constitutionnel. Avec ses 64% de francophones pour 21% de germanophones (recensement fédéral, 2000), «Fribourg est une ville francophone comptant une minorité linguistique alémanique,» précise Simon Rebetez, président de la Communauté romande du pays de Fribourg. «À ce titre, elle doit prendre en compte les intérêts légitimes de cette minorité.»
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S’il faut reconnaître qu’il y a des projets intéressants, comme des classes bilingues au niveau du collège, «du point de vue institutionnel,» souligne Raphael Berthele, «on a plutôt une politique qui sépare. Par exemple, les familles avec au moins un parent germanophone ont le droit de scolariser leurs enfants en allemand, mais les familles dont les deux parents sont francophones n’ont pas ce droit.»

Finalement, cette politique qui tend à défendre les intérêts des Romands risque de défavoriser ces derniers à l’avantage des Alémaniques. En effet, pour pouvoir évoluer en ville de Fribourg, les germanophones doivent maîtriser le Français. Il en résulte un plus fort bilinguisme du côté des Suisses allemands, susceptible de leur offrir de meilleures opportunités professionnelles.

La difficulté du dialecte

Simon Rebetez ne nie pas cette situation, mais il appelle à une certaine compréhension de la part de ceux qui ne sont pas encore conscients du problème du dialecte: «La communauté germanophone a la chance de pouvoir entendre et pratiquer une langue française qu’elle entend partout à Fribourg. Qu’en serait-il si cette minorité devait parler le français tout en n’entendant que le    patois franco-provençal et ses nuances, gruériennes ou broyardes?»

La réponse ne semble pas être pour demain. La discussion mérite d’être poursuivie. Une chose est sûre cependant, les habitants du bord de la Sarine semblent parfois plus bilingues que leur politique. Nous voilà presque rassurés.

Par Pierre Koestinger

Sur le sujet du bilinguisme, retrouvez en plus dans notre édition papier d’octobre 2010 une interview, ainsi qu’un dessin humoristique.