Après Genève et Lausanne, Katherine Ruault, activiste du mouvement étudiant québécois, était à Fribourg jeudi dernier. Invitée par le Cercle La Brèche, elle est revenue sur la contestation étudiante du «printemps érable» et sur un de ses fers de lance, l’ASSE.
«Ce soir, nous allons revenir sur la victoire des étudiants du Québec.» Le mouvement étudiant québécois du printemps passé sera à l’honneur en ce jeudi soir à l’Université de Fribourg. Ce mouvement contestait une hausse des frais de scolarité décidée par le gouvernement québécois du premier ministre Jean Charest. Portée notamment par le syndicat d’étudiants ASSE (Association de solidarité syndicale étudiante), la grève étudiante s’est vite transformée en un mouvement social de masse.
Une vision de la démocratie
C’est ce mouvement social que Katherine Ruault, membre de la Classe (Coalition large de l’Association de solidarité syndicale étudiante), est venue décrire. Auparavant, Katherine Ruault choisit de présenter l’ASSE et son fonctionnement. Un fonctionnement basé sur une vision radicale de la démocratie. «Nous sommes un syndicat d’étudiants démocratique. Chez nous, les étudiants prennent part à des assemblées générales, structures décisives, où chacun peut donner son avis. Ensuite, ils votent», explique la jeune femme. Jusqu’à 300 étudiants peuvent ainsi être appelés à voter. Selon Katherine Ruault, «c’est ce que l’on appelle la démocratie directe».
Si l’ASSE a une vision singulière de la démocratie, il en est de même de la violence. En marge des manifestations du printemps dernier, certains débordements ont été constatés (vitres brisées, échauffourées avec la police). Mais l’ASSE «considère que tous les moyens de s’exprimer sont bons, même briser une vitre». Seule exception : les personnes sans défense. «L’ASSE s’est dissociée une seule fois de manifestants. Ils avaient attaqué des personnes sans défense», souligne Katherine Ruault.
Quel rôle pour l’université?
Les différentes étapes du «printemps érable», cet «éveil du peuple québécois», constitue le second pôle du récit de Katherine Ruault. Tout a commencé en 2010. Lorsque le gouvernement provincial annonce son budget, qualifié de « budget d’austérité » par l’ASSE. Il prévoit notamment une augmentation des frais de scolarité. L’ASSE réagit. «Nous avons manifesté sur les campus. En tractant, en distribuant des ballons rouges, en organisant des conférences. Et des camps de formation pour apprendre à fabriquer des affiches par exemple», expose Katherine Ruault. Un livre et un journal, Ultimatum, diffusent les idées de l’ASSE.
L’argumentaire est bien rôdé. Il s’agit de démonter la thèse gouvernementale selon laquelle les universités québécoises manquent d’argent. Katherine Ruault soutient : «Le financement des universités au Québec est mauvais. L’argent existe. Il est simplement investi dans les mauvais domaines comme le marketing ou le rectorat.» L’ASSE refuse d’obliger les étudiants à combler ce mauvais financement par une hausse de frais de scolarité. En arrière-plan, l’association voit poindre une question centrale. Celle du rôle de l’université dans la société. «L’université doit-elle former des travailleurs ou des citoyens critiques», s’interroge Katherine Ruault. La réponse est claire pour l’association qui milite pour une éducation gratuite. Ouverte au plus grand nombre.
Jusqu’à 400’000 manifestants
Après des mois de mobilisation au sein des campus, les rues québécoises sont envahies. 200’000 manifestants le 22 mars 2012. «Nous sommes allés jusqu’à 400’000 manifestants», rappelle Katherine Ruault. Ce mouvement, qui n’était qu’étudiant au départ, rassemble dès lors nombre de Québécois unis contre la politique libérale du gouvernement Charest.
«C’est fou de travailler durant des années et de voir d’un coup les résultats dans les médias», se réjouit Katherine Ruault. Le mouvement prend fin officiellement le 8 septembre dernier. Après la promesse de Pauline Marois, nouvelle première ministre, d’annuler la hausse des frais de scolarité. L’ASSE affirme cependant «rester vigilante». En se souvenant avec fierté du «printemps érable».
Marie Voirol