Qu’est-ce qui se passe de l’autre côté de la Sarine? Comment le bilinguisme sur la frontière est-il vécu? L’ouvrage Au-delà du Röstigraben cherche à répondre à nombre de questions qui se posent aux bords du fleuve et dans la Suisse entière.
Manuel Meune est professeur en études germaniques au Département de littératures et langues modernes à l’Université de Montréal. Tant l’auteur que l’académie québécoise ne sont pas étrangers aux questions qui touchent la Suisse, notamment en ce qui concerne langues et cultures du pays. Depuis 2011, en effet, Manuel Meune dirige la « Revue transatlantique d’études suisses », qui paraît une fois par an.
Le livre dont il question, Au-delà du Röstigraben. Langues, minorités et identités dans les cantons suisses bilingues, s’approche de ces thématiques traitées dans la revue (dont le premier numéro annonçait: « La Suisse, pays-carrefour? Enjeux culturels, politiques et historiques« ). Le titre formule tout un programme: découvrir ce qu’il passe « au-delà » du Röstigraben, cette fatidique dépression géologique creusée par la Sarine. Pour une fois, nous assistons à une tentative de dépassement de cette frontière, que l’on aborde souvent en-deçà. L’au-delà est autant souvent ignoré, sauf en ce qui concerne la mise en évidence des oppositions. Le Röstigraben est en effet invoqué chaque fois qu’il s’agit de proposer une analyse post-vote. Ici, il y a une tentative de le surmonter, dans un mouvement de va-et-vient continuel des deux côtés de la rivière, sans pour autant oublier le contexte national.
Cette analyse du plurilinguisme en Suisse s’articule sur deux aspects principaux. D’un côté, elle propose des observations générales se référant à la Confédération dans son ensemble. D’un autre, elle effectue une focalisation plus pointue et approfondie, qui concentre l’attention dans les trois cantons concernés par le bilinguisme franco-allemand: Berne, Fribourg et Valais.
Les chapitres dédiés au premier aspect se penchent sur les questions qui touchent à la mentalité et à l’identité dans les évolutions historiques et face aux changements actuels, ainsi qu’à l’imaginaire construit et en construction. Nous sommes ainsi amenés à considérer l’importance du plurilinguisme dans les rapports culturels intra-nationaux et internationaux, vis-à-vis de l’Europe et du monde.
Le deuxième aspect pénètre dans les coulisses des Cantons les plus touchés par le phénomène du Röstigraben, à l’aide de l’étude des résultats issus de questionnaires envoyés à des conseillers communaux locaux. Mais même ici nous ne sommes pas détachés de ce qui peut concerner l’ensemble de la Confédération. À titre d’exemple, l’ouvrage pose de questions telles que comment est perçu l’anglais en Suisse par des personnes bilingues? Y a-t-il une différence entre romands et alémaniques?
Peut-être que l’ouvrage pourra inspirer une étude analogue pour les Grisons, caractérisés par un fait unique: le trilinguisme. La conclusion tire les conséquences de la recherche, non sans faire réfléchir et rendre attentifs à la question plurilingue, traitée avec justesse et sensibilité.
=> Manuel Meune, Au-delà du Röstigraben. Langues, minorités et identités dans les cantons suisses bilingues. Éditions Georg, 2011.
Alessandro Ratti