Ça fleure bon la nature,  ça se décline de toutes les couleurs. C’est frais, de saison, de bonne qualité. Quoi donc? Les produits du crû, pardi! En ville de Fribourg, le citoyen peut se rendre deux fois par semaine au marché (mercredi et samedi matin), dûment muni de son panier et de sa liste de courses. On imagine bien  le jeune couple adepte du bio s’y rendre ou encore l’imposante matrone, déterminée à approvisionner sa progéniture en produits sains, mais quid des étudiants…? Enquête.

«Au Tessin, on ne trouve pas tellement de marchés, alors à Fribourg, je profite de l’occasion», témoigne Giada, étudiante en bachelor. Epinglée alors qu’elle choisit ses légumes, elle précise: «J’aime bien l’ambiance,  le contact avec les vendeurs, et en plus, il y a beaucoup de choix». Claudie, étudiante en master, abonde elle aussi dans ce sens: «Faire ses courses est, selon moi, un échange réciproque sur le plan relationnel. Et c’est quelque chose que je recherche, ce contact avec une personne qui s’est donné de la peine pour produire ce qu’elle propose. Il est aussi agréable de savoir d’où viennent nos légumes.» L’étudiante en psychologie apprécie de s’aérer pour faire ses courses et non se retrouver «enfermée  dans les sous-sols mornes et déprimants d’un centre commercial».

Hélas, ce qui freine beaucoup d’étudiants, même convaincus de la qualité des produits, ce sont les horaires. Mercredi matin, beaucoup sont en cours. «À l’Ecole d’Ingénieurs (ndrl située au fond du Boulevard de Pérolles), on finit à 11h50. Même en prenant le bus, ce n’est pas possible d’arriver avant midi à la place Python» regrette Maxime Roten, qui avoue avoir beaucoup fréquenté les marchés au Valais grâce à sa mère. Tandis que pour Bianca, étudiante en politique économique et sociale, le problème est autre. Comme elle rentre pratiquement tous les week-ends en Thurgovie, impossible de se rendre au marché le samedi.

Du côté des producteurs, le flou règne concernant la clientèle jeune. Pour certains, c’est sûr, il y a une nette augmentation de la fréquentation, tandis que d’autres déplorent justement le contraire. Ainsi, un poissonnier témoigne positivement: «Ces dernières années, j’ai remarqué qu’il y avait de plus en plus de personnes âgées de moins de vingt-cinq ans fréquentant le marché, surtout le samedi matin», explique-t-il entre deux clients. Le pauvre n’a pas le temps d’en dire plus car son stand est littéralement pris d’assaut; les amateurs de truite fumée se sont apparemment donné le mot.

Plus loin, un boulanger environné d’un délicieux arôme du pain chaud avoue, quant à lui, ne rien avoir remarqué de spécial. De toute façon, ajoute-t-il, «la moyenne d’âge de ses clients habituels est assez élevée». Il rigole tout de même en racontant que les week-ends, il voit parfois débarquer des fêtards, l’œil encore vitreux, se sacrifiant pour ramener des croissants à leur bande de potes.

Autre manière d’être en contact avec le marché: se trouver derrière le comptoir. C’est le cas de l’équipe d’Anne-Marie Pradervon, composée uniquement de jeunes. La pimpante productrice peut s’enorgueillir d’une organisation à toutes épreuves: «J’ai environ douze jeunes pour la vente. Ils effectuent un système de rotations et si quelqu’un a un empêchement, il s’arrange au sein de l’équipe.» Et elle ne tarit pas d’éloges: «C’est une jeunesse formidable. J’admire toujours la mémoire des chiffres et les connaissances qu’ils ont».

Armée dans grand couteau prête à éventrer une grosse citrouille orange, l’une des employées se prête volontiers au jeu des questions-réponses. Sa situation est un peu compliquée mais elle l’assume avec le sourire «Je suis étudiante en architecture du paysage à Genève et habite à Payerne. Je cherchais un petit boulot, j’ai trouvé le marché à Fribourg, aussi parce que les horaires me convenaient bien. Ça n’occupe que les samedi matin, et en plus, on est bien payé». Même si elle reconnaît que par  des temps polaires – comme celui qui règne ce matin-là – le coin est «un peu mort», elle dit  apprécier la chaleur humaine qui compense largement le froid ambiant: «le contact avec les gens et un des aspects sympathiques de ce petit job».

Comme pour confirmer ces dires, une musique de violon s’élève au loin. La mélodie légère et enjouée donne un coup de fouet en ce début de week-end. C’est sûr, le marché de Fribourg n’est pas le souk ou l’une de ces grandes foires typiques du Moyen Âge, mais c’est une occasion de faire ses courses autrement… et d’avoir bonne conscience après!

Lise-Marie PillerMarché de Fribourg