Le Festival International du Film de Fribourg (FIFF pour les intimes) est devenu renommé pour la grande diversité des films qu’il propose. Nous sommes allés voir La Symphonie pastorale et Cassandra Crossing. Retour sur ces films particuliers tournés en terres helvétiques.
La Symphonie pastorale a été une très belle découverte. Ce film de 1946 tourné par Jean Delannoy reprend le roman éponyme d’André Gide. Le film s’ouvre sur les paysages enneigés de Château d’Oex. Nichés au milieu des montagnes, un temple et la maison de paroisse. Ce cadre beau et terrible deviendra la scène des passions qu’une jeune aveugle, recueillie par le pasteur va déchaîner dans la petite communauté. Malgré les années et le jeu des acteurs un peu suranné, la photographie n’a rien perdu de sa force évocatrice et le réalisateur réussit à injecter de tension dramatique même les scènes les plus anodines. La caméra parvient très bien à capter le charme sauvage des montagnes et certaines scènes sont tournées de manière beaucoup plus immersive que ce que l’année du film pourrait laisser croire.
Lors de la présentation de l’œuvre, Thierry Jobin, directeur du FIFF, a tenu à chaleureusement remercier les pensionnaires de diverses maisons de retraite venus assister à la projection. Il a rappelé que de nos jours, l’industrie du cinéma s’est totalement désintéressée de nos aînés et préfère se concentrer sur un public adolescent ou de jeunes adultes. La diversité des âges et le succès que cette projection a eu suffisent en eux même à prouver la nécessité de réitérer l’expérience.
Cassandra Crossing était un film d’un autre niveau que le précédent. Imaginez un train des CFF à destination de Stockholm et dont les passagers sont atteints de la peste pulmonaire (ça ne s’invente pas!). Pourquoi? A cause de «pacifistes» suédois étant allés mettre une bombe au siège de l’OMS à Genève et ayant attrapé le bacille qui dormait innocemment dans le premier laboratoire venu… Car c’est bien connu: l’OMS garde toujours un ou deux virus et bacilles en réserve au cas où ils n’auraient plus assez de travail!
Quoi qu’il en soit, ce film de 1976 réalisé par Georges Pan Cosmatos dans le cadre d’une coproduction italo-germano-anglo-française a mal vieilli. Mis à part certaines prises de vue aériennes, le film accuse son âge. La palette des personnages (du vieux Juifs au Suédois peroxydé) est kitschissime, le jeu des acteurs est complètement suranné même si on relèvera la présence de Sophia Loren et de Burt Lancaster, deux acteurs cultes, et la musique qui permet au moins de rappeler certains aspects très oubliables des seventies comme ces inévitables cuivres qui soulignent chaque climax.
Cependant, tout n’est pas à jeter dans Cassandra Crossing. Tout d’abord, cette espèce d’huis-clos pestiféré dans un train CFF avec des soldats romands à l’accent roumain est devenu très drôle avec le temps (même si c’est involontaire). Ensuite, il représente extrêmement bien la mentalité et les peurs d’une époque. Si de nos jours le film catastrophe se focalise souvent sur des catastrophes écologiques et révèle les préoccupations environnementales de notre génération, Cassandra Crossing, met l’accent sur les hiérarchies absurdes, les ordres aveuglément suivis qui conduisent à la catastrophe et surtout à l’ingérence américaine en Europe. En pleine Guerre Froide, il est intéressant de voir un film, aussi kitsch soit-il, qui pose la question de la présence américaine en Europe. Cet aspect est résumé de manière acide par le vieux Juif lorsque les Américains s’emparent du train contaminé et commencent à le sceller: «Oh non, ça ne va pas recommencer!».
Vous l’aurez compris, Cassandra Crossing oscille perpétuellement entre le mauvais goût et le cliché, mais il reste tout de même appréciable pour les amateurs de films rétro!
Florian Mottier