Un petit bijou d’humanité. Voilà sans doute la façon la plus simple de définir le roman de Laurent Seksik. Le cas Eduard Einstein est consacré au fils du célèbre physicien Albert Einstein.
Soixante ans après sa mort, Albert Einstein demeure le symbole du génie absolu du XXe siècle. Une personnalité connue de tous. Dans son roman Le cas Eduard Einstein , Laurent Seksik déroule cependant le fil d’un aspect ignoré de la vie du physicien : la schizophrénie de son fils Eduard, interné au Burghölzli de Zurich entre 1930 et 1965. Face à la folie du cadet des Einstein, Laurent Seksik adopte une méthode audacieuse, mais judicieuse et touchante : le roman à trois voix. Le lecteur plonge dans les pensées d’Eduard, de sa mère Mileva et de son père Albert. Chacun contant sa vision d’un roman familial aux histoires plurielles.
Le roman relate d’abord une relation compliquée entre un père et son fils. Albert Einstein apparaît sous les traits tristes d’un homme incapable d’assumer la maladie de son fils, secrète et impénétrable. La honte et la culpabilité d’un père s’opposent au sentiment d’abandon et au fardeau de la renommée, trop lourd à porter pour le rejeton.
Très bien documenté, le récit détaille également le traitement authentique des « fous » selon le vocabulaire de l’époque. En Suisse, les schizophrènes subissent électrochocs, injections d’insuline et autres « remèdes » destinés à « régénérer leur psychisme ». Dans l’univers oppressant des asiles d’aliénés, l’auteur réussit une remise en question de la notion de folie. L’immixtion dans l’esprit d’Eduard Einstein permet en effet la découverte d’une certaine lucidité alternant avec des moments de pur délire.
Laurent Seksik donne aussi la parole à une femme, Mileva Maric, première épouse d’Albert Einstein et mère de ses deux fils. Scientifique, certainement autant douée que son mari, elle vivra une vie faite d’ombre, tapie dans celle de son célèbre conjoint puis contrainte à la tristesse face au destin immuable de son fils cadet.
Finalement, « Le cas Eduard Einstein » constitue la fresque magnifique d’une époque peinte d’après le modèle de la vie chamboulée d’une famille. Laurent Seksik parvient à traiter humainement un sujet délicat. Il rappelle en outre que la vie n’est jamais ni blanche ni noire. Contrairement aux rêves de certains scientifiques et du plus méconnu d’entre eux, Albert Einstein.
Marie Voirol
Le roman est disponible à la librairie « Albert le Grand ».
« Le cas Eduard Einstein » est le sixième roman du français Laurent Seksik. Il a reçu le «Prix du Meilleur Roman français 2013».