Boubacar Sylla est actuellement étudiant à l’université de Thiès au Sénégal et secrétaire exécutif de Nesouesafrica, une association soutenant les étudiants ouest-africains issus du milieu rural. Dans la tribune à suivre, il soulève la question du rôle que doit avoir la formation supérieure dans la transmission de valeurs susceptible de faire progresser son pays sur le chemin de la modernisation et du développement.
Opposons pour ne pas opposer mais pour inciter à parfaire!
Chez moi, au Sénégal, entre opposants et gouvernants, toute ambition est résistée, outragée et rendue utopique par des voix et des embellisses portées par des hommes souvent incultes. S’il est évident qu’il n’y a pas de pays qui se construit sans une ambition portée par un leader charismatique, sa pérennité et son effet d’entrainement sont incubés par l’Ecole (du préscolaire à l’enseignement supérieur). Malheureusement elle n’a pas encore suffisamment joué son rôle dans la construction d’un idéal partagé de développement, de ciment d’un bouquet de valeurs cardinales de notre commun vouloir vivre ensemble et de catalyseur de l’embrasement des énergies orientées vers une construction collective et active de notre bien-être. Notre école ne pourra continuer à être inodore et incolore face à notre destin et espérer qu’elle produise une jeunesse volontariste, entreprenante et engagée sur le chemin de l’émergence.
Ces pays dont nous saluons l’émergence économique se sont beaucoup appuyés sur la jeunesse à travers un travail volontaire massif qui permit de réduire les coûts des infrastructures collectives (réseau routier, barrages, écoles, dispensaires, etc.). Le fait pour le Sénégal d’avoir la démocratie comme un atout majeur ne sera pertinent que si nous sommes capables de convaincre notre jeunesse, à travers l’École, de s’engager dans l’édification d’une Nation émergente sans rien attendre en retour que la satisfaction d’avoir servi sa Patrie. Ce n’est pas un vœu pieux dès lors que l’esprit positif prend le dessus sur l’autodestruction généralisée et que la présomption de bien faire, de bonne foi et de bonne intention prend le dessus sur l’opposition spontanée à ce qui ne vient pas de soi, même si c’est l’émanation du groupe politique, professionnel ou social auquel appartient le contradicteur.
Chacun a construit et consolidé une part de ce Sénégal, fut-il pauvre, dans lequel nous vivons en paix, dans ce vouloir-vivre en commun qui est nôtre et que le monde nous envie. La politique politicienne, ces caaxaaneries [d’après caaxaan, « la blague » en langue wolof, ndlr] à la sénégalaise, voudrait qu’on insiste sur les erreurs voire les fautes de chacun, les manquements, les contradictions et les renoncements pour les accabler, et après des décennies, finir par saluer leur vision et leur attitude. Nous sommes des humains, vivons avec nos imperfections, comme pour l’écrivain, son style, il serait dramatique de ne juger que sur nos défauts.
N’est-il pas temps après soixante-cinq années d’indépendance d’opérer une rupture ? Rompre avec le professeur qui du haut de son piédestal livre son cours qu’il n’appliquera jamais ou cet avocat des bonnes causes prêt à sauter sur tout écart, à suspecter toute intention et à assassiner toute idée nouvelle avant même qu’elle ne germe, car réfractaire à toute idée de changement. Nos élites, en particulier intellectuelles, restent dans une attitude permanente, de la colonisation aux indépendances, d’opposition au pouvoir politique, à tous les pouvoirs politiques sans distinction. Les seules forces légitimes à leurs yeux, les seules forces ayant quelques beaux atours sont celles qui cherchent à accéder au pouvoir, celles qui s’opposent au pouvoir en place qu’ils s’évertuent à déconstruire par tous les moyens idéologiques et en leur opposant, si possible, des forces sociales et tout récemment les mouvements de la société civile. Des raisons de s’opposer existent toujours cependant cette opposition politique ne doit être ni aveugle, ni systématique contre tout projet national dès lors qu’il est porté par le pouvoir en place.
Le pauvre pays de l’Afrique de l’Ouest d’où l’habitant de Thilla Boubou tel que celui de Sothiane ou de Ngass peine à se soigner, à cultiver sa terre fertile ou à nourrir son bétail ne devrait-il pas rompre ces frivolités ? L’union nationale n’est-elle pas astreignante ? Il faut le saillir et j’en fais ma conquête et je la livrerais noble.