Alexandre LORETAN
L’heure de la rupture
Le 25 Mai 1857 marque la date à laquelle j’apostrophe le potron-minet de l’affliction car marquant l’arrivée à Dakar du capitaine du Vaisseau Protêt qui, à l’occasion, y hissa le drapeau français.
En compte rendu à ses autorités, il correspondit : « j’ai l’honneur de vous informer que j’ai fait arborer le pavillon français sur le petit fort que nous avons construit à Dakar. Il dégagera notre commerce de tous les d’ancrage, de sable et d’eau qui étaient imposés à nos bâtiments marchands, en même temps qu’il étendra notre influence sur toute cette cote voisine de Gorée. J’ai profité, pour faire acte de prise de possession, un jour du ramadan qui est pour la population de la presqu’île la plus grande fête de l’année. J’ai donné aux principaux chefs un pavillon qu’ils ont arboré sur leurs cases, de sorte que les coups de fusils, les danses et les habits de fête de tous ces noirs ont autant célébré la domination française que la fin de leur carême.
Quant à nous, nous nous sommes bornés aux simples honneurs militaires du pavillon, préférant aux réjouissances que nous aurions pu ordonner celles bien plus démonstratives des habitants du pays que nous venons d’ajouter aux dépendances de Gorée ».
L’histoire du Sénégal, au carrefour des routes atlantiques, est aussi celle de rencontres -parfois douloureuses-, d’échanges et de métissages à la fois biologiques, civilisationnels et culturels. C’est une totalité, un legs qui ne saurait être divisible. Elle a son « côté cour et son côté jardin ». C’est pourquoi il nous faut l’assumer comme telle. Certes, nous ne pouvons pas refaire notre histoire, mais notre futur dépend de ce que nous voulons en faire. Au fond, nous devons avancer non pas en ayant toujours les yeux rivés sur le rétroviseur, mais en scrutant méticuleusement l’horizon, en regardant droit devant pour baliser le chemin du futur.
Il s’avère constitutif dans ce sens de rompre. Oui, briser cette servitude qui définit notre histoire en demeure. Nous ne pouvons pas la réfuter, elle est en nous mais les temps changent. A la timidité des décennies, les pouvoirs politiques à travers une vision commune et sous son impulsion, doivent s’engager résolument dans une politique de transformation de l’économie, de la société, de la culture, de la coopération internationale et enfin commencer à afficher sans complexe nos ambitions légitimes.
Nous sommes les produits de notre histoire, des renoncements à notre souveraineté jusqu’à la prise en main de notre destin. Croyons-nous aux ambitions que nos leaders politiques affichent ? Et eux-mêmes, y ont-ils mis toute leur énergie, toute leur détermination, tout leur courage et toute leur intelligence pour les mettre en œuvre ? Le moment était-il propice ? Avaient-ils les ressources humaines qualifiées, engagées et probes pour les accompagner ? Quoi qu’ils en soient, nous marchons en reculant. Notre tissu-développement -tel une fibrille- est en fonte, âcre, affilé et obèse.
Nous acceptons d’être les engendrés de notre péripétie, les actuels des francs-tireurs, les auteurs d’efforts d’antagonisme, les suites d’esclaves. Oui, nous le souffrons MAIS nous devons récuser d’imiter que cet antériorité soit notre présent, qu’elle nous commande. Nous devons le contester à trépasser. Telle une cloche, la scission tintinnabule. Nous devons l’assumer. Harponner notre destin avec liberté.
Bien avant ce 25 Mai 1857 ou le potron-minet de l’affliction, pareille une infini, elle continue à nous soustraire nos richesse, à piller notre bonheur, nous spolier, nous scinder, nous anéantir, nous leurrer et nous extorquer. Simplement, nous prorogeons à l’idolâtrer, à étayer son nom sur notre pièce, à deviser son jargon, à se glorifier d’avoir coquet chez elle, à dupliquer méticuleusement sa pédagogie de fonctionnement orthodoxe bref à vouloir être comme elle.
J’oublie comme l’aurait fait Léopold S Senghor mais je retiens et récuse que mon antériorité soit mon actuel. Je tais, mais je dénie comme le doit tout autre africain. Enfin j’oublie et je romps avec elle à jamais car tonitruant l’heure.
Boubacar SYLLA