Après quelques années d’absence, l’exposition qui dévoile les mystères du corps humain « Body Worlds : le cycle de la vie » est de retour en Suisse jusqu’au 7 janvier 2018 à Genève.

Installée au Palexpo, ou Palais des expositions et des congrès de Genève, l’exhibition prétend informer son public sur le fonctionnement du corps humain et son évolution, depuis le début du développement fœtal jusqu’à la mort. Créée par Gunther von Hagens, cette expérience ouverte au public vise à l’instruire sur les mécanismes cachés du corps humain grâce à des momies modernes préservées par une méthode de conservation appelée la plastination. Contrairement aux momies égyptiennes, celles à Von Hagens sont protégées contre la putréfaction en remplaçant les liquides organiques, tels le sang et la graisse, par de la silicone.

Malgré la nature choquante de la manifestation, elle reste une opportunité extraordinaire pour tous ceux qui désirent apprendre plus sur le passé, le présent et le futur de leur corps.

© Gunther von Hagens’ BODY WORLDS, Institute for Plastination, Heidelberg, Germany, http://www.bodyworlds.com

Back to school

Le système cardio-vasculaire, le pancréas, le gluteus maximus. L’exposition Body Worlds est premièrement une exposition sur l’anatomie. On découvre sur les murs de l’entrée en trois langues, une définition de l’anatomie comme celle qu’on pourrait trouver sur un dictionnaire, ou comme celle qu’on devait apprendre par cœur à l’école lors des cours de biologie de notre jeunesse. Ensuite, le visiteur prend un cours d’histoire abrégé sur l’art anatomique : les premiers à pratiquer cette branche de la médecine étaient les égyptiens, qui examinaient des animaux. Ensuite elle a été reprise par les grecques, qui n’osaient pas étudier les corps de leurs défunts. Les premiers à avoir le courage d’ouvrir un cadavre humain étaient les hommes de la renaissance. L’histoire avance progressivement jusqu’à 1977, l’année de la découverte de la plastination par Von Hagens, l’évènement qui marque aussi la fin de ce parcours temporel. Après la leçon d’histoire, l’observateur fait face aux premiers sujets de la présentation. Les fœtus. Fixés à l’intérieur d’un cube de plastique translucide, et bercés par un silence religieux, ils nous montrent leur propre croissance. La religion nous accompagne jusqu’à la fin de l’exposition, à côté de la philosophie, de la littérature, de l’art, du sport et de la science. Des citations tirées du talmud, de romans écrits par des amérindiens et de la poésie nous amènent à effectuer un parcours parallèle à la visite physique de l’exposition, à l’intérieur de notre propre conscience, sur les points essentiels qui définissent l’être humain : l’amour, la mort, l’amitié, le bien et le mal.

 

Les plastinats (le nom officiel donné aux corps traités par la plastination) sont tous disposés d’une façon artistique. Certains d’entre eux représentent les héros de nos mythes antiques, comme le plastinat d’un athlète, qui à l’image du titan Atlas, porte un modèle géant du globe terrestre sur ces épaules. D’autres modèles représentent les autres fruits de l’intelligence humaine. Par conséquent le « palais » est habité par des guitaristes, des jongleurs, des skieurs et même un chevalier sur son cheval, qui a lui aussi été plastifié.

Palexpo devient une véritable salle de classe ou chacun est invité à venir s’instruire davantage sur le corps humain et tous les autres œuvres culturels et scientifiques de l’humanité.

© Gunther von Hagens’ BODY WORLDS, Institute for Plastination, Heidelberg, Germany, http://www.bodyworlds.com

Le cycle de la vie

Malgré toute cette richesse intellectuelle, un sentiment funèbre accompagne les visiteurs de salle en salle. Chaque plastinat avait été une fois un homme ou une femme qui a soudainement perdu sa vie. Cette réalisation vacille de manequin en manequin. La plupart des modèles ne stimuleront pas cette pensée. Par contre, on ne peut pas s’empêcher de se questionner sur le sort du propriétaire des poumons noircis par des années de fumée ininterrompus, ou celui de l’homme à qui appartenait le foie détruit par des décennies de consommation d’alcool. « Body Worlds » n’est pas seulement un cours d’anatomie, d’art et de littérature, il est aussi un avertissement à tous ceux qui ignorent les besoins de leurs corps. Les récits des conséquences de l’obésité, du tabagisme et de l’alcoolisme sont plus terrifiants que les vieux contes des frères Grimm et de Charles Perrault où des choses affreuses comme une jeune fille dévorée par un loup déguisé en sa grand-mère n’étaient pas impossibles.

Pourtant, le futur n’est pas autant sombre comme on pourrait l’imaginer. Pour chaque texte sur les maladies et les conséquences de nos vices on trouvera aussi des conseils sur la bonne manutention de notre machine corporelle. Manger équilibré, dormir suffisamment de temps, pratiquer du sport, soulever des objets lourds avec l’aide de nos jambes et non en pliant notre torse. Voici quelques conseils qu’on a tous sans doute entendus plusieurs fois, mais qui deviennent plus réels à côté des corps de ceux qui n’ont pas eu la sagesse de les suivre.

© Gunther von Hagens’ BODY WORLDS, Institute for Plastination, Heidelberg, Germany, http://www.bodyworlds.com

Antonio Pedro Pires
Crédits photo:Gunther von Hagens’ BODY WORLDS