L’Arbre, individu isolé dans une forêt de concurrents potentiels ? Cherchant à tout prix à se hisser au dessus des autres? L’intelligence des arbres, film projeté dans le cadre du Festival du Film Vert, nous propose une autre version de la réalité…
A l’image de l’Homme, l’Arbre a longtemps été considéré par la science comme un individu en compétition avec ses congénères. Uniquement motivé par son intérêt personnel, désolidarisé des problématiques communautaires, il lutterait sans cesse et sans merci pour se tailler une place au soleil. La validité scientifique du modèle de l’homo oeconomicus, cet individu-stratège et calculateur, a été balayée depuis longtemps par les sciences sociales. Mais qu’en est-il de l’Arbre ? Subit-il quant à lui cette « loi de la jungle », où règneraient naturellement les plus forts ? En somme, la source même de la métaphore comparant comportements sociaux et naturels, c’est-à-dire la Nature, obéit-elle elle-même aux lois qu’on lui prête habituellement ?
Une intelligence collective
L’intelligence des arbres, film réalisé par Julia Dordel et Guido Tölke, nous invite à découvrir à quel point cette conception de la Nature est incorrecte. Plusieurs spécialistes y exposent leurs recherches, qui rendent toutes compte, par des approches diverses, d’un phénomène similaire : les arbres mettent en place une intelligence collective. Ils fonctionnent en réseau, via un gigantesque réseau racinaire. Les millions de connexions qui s’y créent rappellent en quelque sorte un cerveau humain : les racines en seraient les synapses. Par ce biais, les arbres se communiquent quantité d’informations utiles. Par exemple, si l’un d’entre eux manque du glucide naturellement produit par la photosynthèse, d’autres le lui transmettront. L’individu qui ne profitait pas d’un ensoleillement suffisant se voit alors soutenu par ses pairs.
Un équilibre fragile
Bien sûr, cet idéal d’organisation “sociale“, établi entre les arbres d’une même forêt, n’est pas réalisé partout. Là où l’Homme, ignorant la subtilité de ce fonctionnement, agit à l’encontre de cette intelligence collective, elle est en danger. Si elle est subtile, elle est aussi fragile. Par exemple, rouler avec un véhicule lourd sur une route de forêt, c’est risquer de couper le réseau racinaire, qui se trouve très proche de la surface. Autre exemple, celui d’une reforestation mal réalisée, où l’on ne prend pas en compte la diversité biologique d’espèces complémentaires. Faire cela, c’est faire fi de millions d’années d’évolution, et de l’équilibre auquel elle avait abouti. Une simple méconnaissance des liens d’interdépendance entre les différentes espèces peut ainsi donc amener à une mauvaise gestion forestière.
Entraide et communication
Si elle est fragile, la forêt est aussi précieuse. Non seulement par la valeur propre de son écosystème, mais aussi pour l’Homme. Par la captation du monoxyde de carbone présent dans l’air, une forêt en bonne santé participe de la bonne santé de notre environnement. Et peut-être, s’il s’agit de revenir à la métaphore mobilisée plus haut, serait-on tenté d’en formuler une autre. Puisque à l’instar de l’Homme, l’Arbre semble tourné vers l’Autre, le sens donné aux « lois de la jungle » s’inverse : là ou l’on croyait agir individuellement, l’on sait maintenant que tout se crée, se maintient et se perpétue, dans un rapport étroit aux autres. Selon cette image, une société saine serait par conséquent une société de communication et d’entraide…
Allemagne, 2017
Réalisateur/trice : Julia Dordel et Guido Tölke.
Langue : anglais, sous-titré français.
Ce film a été projeté dans le cadre du Festival du Film Vert, qui était présent du 8 au 11 mars à Fribourg. Le Festival est terminé à Fribourg, mais il visite soixante villes de Suisse romande, et ce jusqu’au 15 avril. L’intelligence des arbres y est également à l’affiche.
Crédits: L’intelligence des Arbres, le film