Hier, pour le deuxième soir du festival Les Georges, le trio caribéen Ghetto Kumbé a jeté un sort au public fribourgeois par ses rythmes hypnotiques et enflammés. La place Python s’est transformée en portail spatio-temporel pour nous plonger dans l’histoire colombienne, une histoire de métissage musical qui nous est racontée par les artistes du trio et leur interprète, que j’ai eu la chance de rencontrer dans les loges, quelques minutes avant le début du concert…
C’est la première fois que vous venez en Suisse pour cette tournée, quelle impression vous a laissé le public ici ?
—Nous avons commencé la tournée par Festi’Neuch, ça a été une très belle expérience parce que c’était la première fois qu’on venait en Suisse et qu’on présentait notre musique à un public suisse. Les gens ont aimé et dansé, on a eu une belle connexion avec eux et avec l’équipe de production, et on a eu une très bonne qualité de son et de lumière aussi. Ce soir, nous jouons aux Georges et nous serons en concert au Paléo le dimanche 22 juillet.
Le public suisse est-il différent du public latino-américain ?
—Le public latino en général va être un peu plus expressif et un peu plus fou, il va vivre le concert d’une manière différente mais c’est normal, il a aussi un style de vie différent. Ici en Europe, le public est très attentif à la musique, les gens vont plus écouter et un peu danser aussi. Ce qu’on apprécie du public européen, c’est qu’il est prêt à écouter de nouvelles propositions musicales, qu’il est ouvert à de nouvelles sonorités, et c’est vraiment impressionnant de voir que le public se connecte assez facilement avec notre musique même s’il a moins de familiarité avec elle.
Y a-t-il une différence de réception de votre musique et de son histoire par le public colombien et européen ?
—C’est un nouveau son qu’on a créé, qui passe par l’exploration de sonorités de différentes origines. On a vraiment recherché à retrouver les sons africains, qui ont été importés par les Espagnol∙e∙s en Colombie avec la traite des esclaves Noir∙e∙s, parce que c’est ces rythmes-là qui ont donné la cumbia ancestrale dont la musique colombienne est issue. Que ce soit ici, en Europe, ou en Amérique latine, ce concept musical est nouveau pour tous les publics, mais notre musique est toujours très bien reçue.
Le message passe donc plutôt par la musique en elle-même que par des textes ?
—Notre message, l’union des trois cultures, africaine, afro-colombienne et colombienne, passe par leur réunion et leur simplification grâce à l’électro. Ca a été assez incroyable de voir que les percussions permettent toujours autant de communiquer, aujourd’hui comme il y a 500 ans. Les percussions ont joué un rôle très important dans cette rencontre entre les Indigènes et les Africain∙e∙s à l’époque. Comme les deux peuples étaient persécutés, ils les utilisaient pour communiquer entre eux afin de planifier des évasions de camps par exemple. Au fur et à mesure, des paroles se sont rajoutées sur la musique, ces peuples ont commencé à chanter leurs joies, leurs tristesses. Quand on joue, on peut ressentir dans la perception du public que ces rythmes sont communicatifs.
Votre musique a donc pour but de rassembler plutôt que d’évoquer des sujets douloureux ?
—Notre musique est vraiment un retour vers la rencontre des Indien.ne.s d’un côté et des Afro-colombien∙ne∙s arrivé∙e∙s avec l’esclavage, vers les premiers sons qu’ils∙elles ont créé. Notre musique est leur histoire. Mais bien sûr, le passé est le futur… Et nous, aujourd’hui, on cherche plutôt à faire passer ces messages par la danse et la musique. Et la musique fonctionne !
Ce soir et vendredi: entrée gratuite.
Plus d’informations : http://www.lesgeorges.ch/fr
Crédits photo: Maud Chablais / Diane Descheneaux