Une bactérie du charmant nom de Geobacter sulfurrenducens suscite l’attrait des scientifiques. Sa spécificité ? Elle est capable de générer de l’électricité ! Retour sur les dernières avancées en matière de chimie.

Une découverte fribourgeoise

L’Université de Fribourg a été le cadre de cette découverte notable en chimie, à savoir : des bactéries sont capables de produire une grande quantité d’énergie en réaction à un stress. Ces recherches ont été conduites par la professeure de chimie inorganique Katharina Fromm et une équipe de scientifiques. Elle explique : « Le but de notre étude est de comprendre les mécanismes de transfert d’électrons au sein de la bactérie, car ils ne sont pas encore clairs. » Pourtant, cette étude pourrait avoir des implications beaucoup moins théoriques, puisqu’il serait possible de fabriquer des batteries à base de ces bactéries !

L’argent à la source de l’expérience

L’argent est un élément chimique aux propriétés intéressantes. En effet, il agit comme antimicrobien et peut être utilisé dans certaines substances grâce à cette fonction. « La première question était de savoir si certaines bactéries pouvaient développer des résistances contre l’argent afin de se défendre contre son action », raconte professeure Katharina Fromm. Or il s’avère que ces organismes possèdent des moyens de défense, dont un a particulièrement retenu l’attention des scientifiques : « Cette méthode consiste pour la Geobacter sulfurreducens à éjecter des électrons à l’extérieur afin de réduire l’argent à un état élémentaire, donc inoffensif. Ce mécanisme est propre aux bactéries anaérobies, c’est-à-dire qui vivent sans apport d’oxygène », explique-t-elle. Pour résumer, en réaction à un stress, la bactérie va générer une grande quantité d’électrons, donc de l’énergie. Ces derniers sont largués hors de l’organisme dans le but de le protéger des agressions. Mais comment pourrait-on en faire des batteries ?

Cette bactérie pourrait aider à résoudre les problèmes écologiques en produisant une énergie 100% naturelle et renouvelable.

Une batterie bactérienne

Apparemment, il est envisageable de fabriquer des batteries grâce à cette bactérie, dont les avantages répondent aux défis écologiques actuels. En effet, elles ne nécessitent pas de lithium, ni de cobalt qui peuvent être toxiques et dont l’extraction est polluante. Il s’agirait donc de batteries 100% naturelles. Toutefois, quelques petits problèmes restent à résoudre : « Il n’existe jamais de solution idéale. Ce sont des cellules vivantes, donc il faut pouvoir les nourrir et éliminer celles qui vont mourir, ainsi que les déchets dus à leur métabolisme », rappelle professeure Fromm. Quant à la batterie en elle-même, elle consiste à déposer un film de bactéries, aussi appelé un biofilm, sur une électrode afin de les nourrir et de récupérer les électrons ainsi produits. « Une comparaison pas très scientifique serait de dire que comme on nourrit les vaches pour récupérer le lait, on nourrit les bactéries pour récupérer les électrons » compare la scientifique le sourire aux lèvres. Elle poursuit plus sérieusement : « Il y a encore des paramètres à optimiser, comme la température idéale, mais il faut également trouver un bon système d’afflux nutritif et d’élimination des déchets. » À l’heure actuelle, il existe des prototypes pour recharger son téléphone mais qui manquent encore d’efficacité. Théoriquement, il serait donc possible d’avoir une telle batterie à la maison, bien qu’il faille nourrir les bactéries de temps en temps… voilà un bien étrange compagnon pour sa maison ! 

Les électrons, en bleu, sont une composante de l’atome, dont le centre est représenté en rouge.

Une nouvelle pièce dans le puzzle

Ces dernières années, les bactéries sont l’objet d’un intérêt toujours grandissant pour les chercheur·euse·s. Cette découverte démontre encore une fois à quel point il est capital de comprendre ces petits organismes, nécessaires à l’ensemble du vivant.  La professeure Fromm conclut : « Une meilleure compréhension de la chimie à un niveau fondamental permet une compréhension plus générale du système, y compris de notre corps. Notre étude est une pièce supplémentaire dans le grand puzzle de la vie. »