72h hors connexion ? Facile ! Pas si sûr… Une chroniqueuse tente l’expérience de la déconnexion totale.

L’hyperconnectivité, nous en avons tou·te·s entendu parler et pensons bien souvent que l’importance de ce phénomène, souvent classifié comme addiction, est exagérée. Ou, du moins, qu’il ne nous concerne pas personnellement. La consigne est claire : 72h sans mobile, sans ordinateur, sans télé et sans radio. Je me dis que ça ne peut pas être si dur. En cours, je prends mes notes à la main. Certain·e·s de mes ami·e·s m’ont déjà crue morte faute de parvenir à me joindre. La télévision, cela fait longtemps qu’on ne l’a plus à la maison…et surtout, qui écoute encore la radio ? Donc, a priori, aucune addiction en vue. Oui, mais…

Une planification pas si aisée

Avez-vous déjà essayé de trouver une plage de trois jours durant laquelle vous êtes sûr ·e·s de ne pas nécessiter l’usage de votre smartphone ? Pouvez-vous garantir, par exemple, que personne ne cherchera subitement à vous joindre à tout prix ? Mais bon, admettons que toutes vos connaissances soient au courant et approuvent votre démarche, pouvez-vous aussi vous passer de votre ordinateur, notamment dans le cadre des cours ? Je l’ai déjà mentionné, je prends mes notes à la main et trouve donc tout à fait envisageable pour n’importe quel·le étudiant·e de faire de même le temps de cette expérience. Ceci dit, je découvre par le biais de cette dernière que penser cela s’avère quelque peu réducteur. Tout d’abord, cela revient à négliger un élément central de notre vie d’étudiant·e : la plateforme en ligne Moodle. En effet, moi qui pensais commencer mon expérience le vendredi soir, je déchante rapidement. Impossible de déposer tous mes devoirs sur Moodle avant ce délai et 72h après, mes travaux seront taxés d’un retard. Et voilà, je me retrouve à commencer ma période de déconnexion seulement le samedi soir. Au fait, et c’est mon deuxième point, si je pensais débuter le vendredi soir, ce n’est pas par hasard : ce ne semble pas être le cas pour tou·te·s les étudiant·e·s mais, dans ma branche, certains de nos cours sont donnés en salle d’informatique. Inutile de préciser que cela ne rentre pas vraiment dans le cadre de l’expérience.

Entre stress et liberté

Une fois les dates fixées et tous mes rendez-vous, horaires et lieux, notés soigneusement sur un papier, je laisse enfin tomber mon ordinateur et mon smartphone. Rapidement, le premier moment de stress se présente : j’ai oublié d’avertir mes parents. Ne les voyant pas rentrer, je commence à m’inquiéter, alors que cette situation reste assez courante et que mon absence de joignabilité n’y change rien. Et moi de poser un premier bilan : nous sommes habitués à pouvoir échanger des nouvelles rapidement. Ce qui attise mon inquiétude, ce n’est pas tant de ne pas connaître leur programme que de ne pas avoir de moyen de les joindre. Impuissance ressentie comme une forme de vulnérabilité. De même, l’horaire d’un cours bloc commence par me causer du souci, je crains qu’il ne soit modifié. Puis, décidant de faire contre mauvaise fortune bon cœur, je décide que nos enseignant·e·s ne peuvent en aucun cas exiger de nous que nous soyons joignables en tout temps. Ainsi, si l’horaire devait être modifié, eh bien soit, je ne me présenterais tout simplement pas. Liberté.

Quelques échecs mais pas seulement

Cette décision finit tout de même par me causer quelques surprises lors de mon retour à la connectivité. La moindre n’est pas de découvrir qu’un travail supplémentaire m’a été assigné pour des corrections que je n’ai pas apportées au devoir original, corrections dont je découvre tout juste l’existence, cela va sans dire. Mais cela ne constitue que le contenu d’ un des quelques 8 mails et 165 messages qui m’attendent.

Finalement, je tiens à avouer mes deux échecs . Le premier, quand une amie me tend tout naturellement son téléphone pour me montrer quelques images. Le second, en entrant dans un bus où la radio est allumée. Ainsi, on ne peut se couper complètement du monde connecté, il vient à nous si nous le rejetons. Cependant, il est possible d’essayer et personne n’est en droit d’exiger notre joignabilité.

Illustration Antoine Bouraly