Les relations entre professeur·e·s et étudiant·e·s peuvent déborder du cadre strictement universitaire : amitié, amour ou sexe, consenti ou subi. Le professeur Walter Stoffel, de l’Office de médiation de l’Université, répond à nos questions sur le sujet.

On a tou·te·s ajouté un jour un·e enseignant·e sur LinkedIn dans l’idée de développer son réseau. La plupart du temps, la relation reste professionnelle, mais il arrive qu’elle évolue vers quelque chose de plus personnel. Or, entre l’amitié et l’intimité, il existe une large palette de gris.

L’existence d’un rapport de dépendance

« Du point de vue juridique, il n’y a pas à proprement parler de règle qui interdirait une relation entre adultes consentant·e·s », nous explique le professeur Stoffel. « Néanmoins, cela devient problématique dès lors qu’existe un rapport de subordination. »

Cette zone grise concerne tous types de relations : professeur·e·s et étudiant·e·s, professeur·e·s et collaborateur·rice·s, professeur·e·s ordinaires et chef·fe·s de département, la liste est longue. « Lorsque les intéressé·e·s ont le même statut, chacun·e se trouve sur un pied d’égalité pour consentir ou refuser », soutient le professeur. Il en va de même si les personnes concernées ne sont pas susceptibles de se croiser dans le cadre universitaire : une relation entre un·e étudiant·e en germanistique et un·e professeur·e de droit est moins sujette à caution que si l’étudiant·e suit des cours à la faculté de droit.

Le médiateur en appelle au bon sens : « Dès lors que l’un·e a un pouvoir sur les études ou la carrière de l’autre, la relation devrait ne pas s’engager sur un terrain intime. » Si la relation existe, l’étudiant·e s’abstiendra de suivre les cours de son amant·e et le·la professeur·e se récusera. « Évidemment, c’est plus compliqué d’expliquer cette attitude si la relation n’est pas vécue ouvertement », tempère-t-il.

Le degré et la chronologie de la relation

Le fait de s’ajouter sur un réseau social, comme LinkedIn ou Facebook, est un geste anodin pour certain·e·s, même si pour sa part, le Prof. Stoffel préfère s’en abstenir. Au-delà de ce geste, une attitude amicale peut être acceptable ou déplacée selon les circonstances : « Lors d’un voyage d’études, une sympathie cordiale peut se créer et le·la professeur·e peut prendre un verre en compagnie du groupe d’étudiant·e·s », explique le médiateur. « En revanche, une invitation à prendre un café, adressée via un réseau social à un·e élève en particulier, paraîtra plus ambigüe. Surtout si ce comportement se répète dans le temps. Tout dépend du contexte. »

La chronologie joue aussi un rôle. L’actualité du lien d’enseignement devrait être un no-go pour les partenaires potentiel·le·s. Ceci dit, si la relation naît une fois l’examen validé avec succès et s’il n’y a plus de perspective de lien à caractère universitaire, cela est moins problématique – à fortiori lorsque l’étudiant·e a validé son mémoire de fin d’études.

Consentement et respect mutuels

C ’est une lapalissade : si relation il y a, elle doit être mutuellement consentie. Des invitations répétées et non désirées à caractère intime peuvent justifier une procédure disciplinaire, voire pénale, dans les cas de harcèlement caractérisé. « En tant qu’ombudsman, j’ai l’obligation de dénoncer une affaire dont la gravité rend une médiation inappropriée ou impossible », nous explique le Prof. Stoffel.

« Le mot-clef, c’est le respect mutuel », rappelle le médiateur. « À cet égard, celui·celle qui a le pouvoir dans la relation a une plus grande obligation que l’autre de faire preuve de respect et de bon sens ».

Texte Sylvain Cabrol et Kaziwa Raim

Illustration Antoine Bouraly