Malgré ses 10.000 étudiant·e·s et une offre culturelle honorable, force est de constater que la vie nocturne à Fribourg est parfois planplan. Changement de rythme cet été, grâce à l’extension des horaires d’ouverture !
Votée le 5 février, la révision de la Loi sur les établissements publics (LEPu) permettra bientôt aux discothèques de rester ouvertes jusqu’à 6h du matin. Pour les affamé·e·s, des restaurants pourront assurer le service 24/24. Et pour les noctambules du jeudi, les bars pourront désormais fermer à 3 h, comme les vendredis et samedis !
Attractivité
L’objectif des promoteur·rice·s de la réforme est de rendre la vie nocturne fribourgeoise plus attractive. Pour Laura, barmaid expatriée à Lausanne, le changement est nécessaire : « En tant que cliente, Fribourg, c’est mort. Les horaires ne m’arrangent pas du tout, les premiers trains sont à 5h. Du coup, si je dois sortir, je vais à Lausanne ou à Genève. »
Pour les commerçant·e·s, c’est une opportunité de se diversifier. Le patron de La Habana parle même d’aubaine pour les nouveaux·elles entrepreneur·euse·s. L’établissement s’attend à plus de client·e·s, plus de chiffre d’affaires, et voit son projet de transformation en boîte de nuit se concrétiser : la réforme permettra ce changement. En revanche, la patente de Fri-Son n’est pas concernée. Pour ce lieu mythique, l’exploitation du bar est liée à la tenue d’évènements culturels : l’intérêt culturel prévaut sur l’intérêt financier.
Sécurité
Selon Didier Page, secrétaire général adjoint de la Direction de la sécurité et de la justice (DSJ), l’extension des horaires permettra de canaliser les noctambules désœuvré·e·s. De plus, cette mesure répond aux besoins d’une population principalement féminine, désireuse d’attendre dans la relative sécurité des dancefloors la reprise des transports publics. « Il est plus facile de faire régner respect, convivialité et bienveillance au sein des établissements publics nocturnes que dans les rues », estime Mille Sept Sans, association de lutte contre le harcèlement de rue.
Didier Page rappelle que les établissements doivent se tenir prêts à adapter leurs dispositifs de sécurité. Fri-Son insiste aussi sur cette responsabilité inhérente à la libéralisation des horaires, car soirée à rallonge rime avec plus d’alcool, et potentiellement davantage de débordements. Un risque pour la santé et l’intégrité du personnel qui inquiète Armand Jaquier, secrétaire régional d’Unia Fribourg. Le représentant syndical a proposé un amendement pour imposer la présence de deux employé·e·s, mais le dispositif n’a pas été retenu.
Des conséquences sociales à surveiller
Selon Unia Fribourg, l’extension d’horaire est superflue, car le gros de l’activité s’arrête au milieu de la nuit. Une analyse qui n’est pas sans fondement : même si elle n’est pas opposée à la réforme, la secrétaire générale de Fri-Son, Léa Romanens, concède que l’essentiel du bénéfice ne se réalise pas lors des dernières heures d’ouverture. L’association ne s’attend pas à une révolution sociale pour quelques heures de travail en plus : la prolongation des shifts profitera aux employé·e·s actuel·le·s, mais difficile d’espérer la création de nouveaux emplois.
« J’adore ce que je fais : plus j’ai d’heures, mieux je me porte », s’enthousiasme Laura. « Ensuite, le salaire est parfois très limite. Ceux·celles qui font ça pour payer leurs études, il·elle·s sont un peu en hess. » Rappelons qu’avec ou sans la nouvelle législation, les employé·e·s de nuit restent soumis·e·s à la convention collective de travail (CCT) de l’hôtellerie-restauration et que les abus éventuels tomberont sous le coup de cette réglementation.
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Texte : Lara Diserens et Sylvain Cabrol
Photo : Jérémie Dubois