Naima Colucci et Nico Sonderegger nous racontent comment iels se sont découvert·e·s, comment iels ont trouvé une forme de relation qui leur corresponde et comment iels parviennent à faire face au stigma créé par la monogamie.

Le stigma créé par la monogamie

Depuis notre plus tendre enfance, les contes de fées, chansons et dessins animés nous parlent de l’amour comme Aristophane en parle dans le Banquet de Platon : deux moitiés à la recherche l’une de l’autre. Au concept d’amour monogame ont suivi ceux de la jalousie et de l’insécurité, puisque ce type de relation se base sur le principe d’exclusivité, par lequel il n’est pas permis de connaître intimement autre personne. Dans ce contexte, les autres types de relations sont stigmatisées, puisque la monogamie est la seule représentation d’une relation offerte au grand public.

Naima Colucci et Nico Sonderegger partagent une relation polyamoureuse et partagent avec nous les difficultés que peuvent avoir la famille et leurs ami·e·s à comprendre leur relation. Bien souvent, leurs proches ont tendance à rabaisser leur relation avec des remarques telles que : « vous n’avez pas encore rencontré la bonne personne » ou bien « vous êtes jeunes, ce n’est qu’une phase passagère ». Des propos que Naima Colucci écarte en expliquant que sa relation avec Nico Sonderegger n’est pas une phase, mais bien un reflet de sa personne. Elle témoigne : « Si j’imagine le plus beau jour de ma vie, je vois une union civile avec plusieurs personnes ou plusieurs unions civiles, et ainsi avoir une cellule familiale qui intègre l’amour entre tous les individus ». Selon elle, le problème de ce stigma vient non seulement de l’univocité de la représentation de la monogamie, mais aussi de la manière dont le polyamour est représenté : « La plupart des gens ont du mal à comprendre que je suis dans une relation polyamoureuse, car ils se réfèrent souvent au concept de relation ouverte, où chaque partenaire est libre d’avoir des relations purement charnelles avec d’autres personnes ou au concept de polygamie ; mais ce n’est pas une question de sexe, de religion ou de culture, c’est un tout nouveau schéma. »

Le terme « polyamour » se compose d’une particule grecque et d’une particule latine. Le terme désigne le « plus d’amour » . Le mot est récent (2016-2018) et désigne la pratique de relations intimes et consenties avec plus d’un·e partenaire. « L’objectif d’une relation polyamoureuse, comme l’explique Nico Sonderegger, n’est pas d’avoir plus de partenaires, mais bien d’avoir la liberté de pouvoir en avoir. » Le terme est destiné à remplacer celui de la polygamie, qui signifie quant-à-lui « plus de mariage », qui depuis l’Antiquité a un but socio-économique.

Ce drapeau représente le symbole du polyamour, à savoir le cœur avec l’infini.

Le stigma dans la relation polyamoureuse

Le terme « polyamour » englobe plusieurs types de relations polyamoureuses : solo-poly, polyamour hiérarchique, polyamour anarchique, etc. Ici, Naima Colucci et Nico Sonderegger partagent un polyamour dit « hiérarchique », c’est-à-dire que leur relation est la principale, et que toutes les autres sont dites « secondaires », soit en « arrière-plan ».

Ce genre de relation vient avec son lot de défis à surmonter. L’abandon des pensées de jalousie et d’insécurité est difficile, surtout dans les moments où le couple passe par des épreuves de la vie et est donc plus fragile.  Comme l’explique Nico Sonderegger : « La seule façon de gravir cette montagne est d’en parler entre nous, de se rassurer. Il faut prendre en compte le fait qu’il n’y a pas d’exemple à suivre comme dans les mariages monogames. Tout est donc à découvrir, à réinventer ». Naima Colucci, dans les moments où lui viendrait la tentation de se comparer avec les fréquentations de Nico Sonderegger, se souvient plutôt de la raison pour laquelle elle s’est engagée dans une relation polyamoureuse : « Lors d’un travail sur moi-même, j’ai réalisé que je pouvais ressentir de l’affection pour plusieurs personnes en même temps avec une intensité égale. Je me suis alors demandé ce que j’aurais ressenti, si mon partenaire potentiel me disait qu’il éprouvait également de l’affection pour une autre personne. J’en ai conclu que si quelqu’un que j’aime ressentait ce sentiment magnifique pour qui que ce soit, je ne pourrais pas m’empêcher d’être heureuse pour lui ! ».

La bonne relation 

Il n’existe pas de « bonne relation », et la monogamie n’est pas le bon choix pour tou·te·s. Aussi, il est difficile de ne pas sombrer dans une certaine forme de négativité et de penser que nous ne trouverons jamais une relation faite pour nous. Naima Colucci et Nico Sonderegger se sont retrouvé·e·s lorsque tout espoir était perdu. « Il faut parler de ce que l’on ressent, tôt ou tard on rencontre les personnes qui nous correspondent, il faut être patient », affirme Nico Sonderegger. Naima Colucci confirme et surenchérit : « Il faut s’informer en utilisant toutes les ressources dont on dispose. Il ne faut pas se contenter de l’unique système proposé. Il ne nous faut pas trouver une solution qui plaise aux autres, mais qui nous corresponde et qui nous satisfasse. Il faut réussir à accepter et parfois à embrasser ce qui est différent. »

Illustration: Emma Essex.