Le 13 juin 2021, les Suisses et les Suissesses seront appelé·e·s aux urnes afin de se prononcer sur un certain nombre d’initiatives. Dans le cadre du débat sur les initiatives populaires « Pour une eau potable propre et une alimentation saine » et « Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse », Spectrum est allé discuter avec José Collaud, Chargé d’affaires de Pro Natura Fribourg et responsable de la réserve du Vanil Noir, qui nous partage la position de Pro Natura. Interview.

José Collaud, Chargé d’affaires de Pro Natura Fribourg et responsable de la réserve du Vanil Noir. © José Collaud.

« Le véritable enjeu selon moi, c’est de réfléchir et de discuter l’agriculture que l’on veut pour notre futur. Pour moi, ces initiatives sont en avance sur leur temps à ce niveau-là. Prenons celle sur l’eau portable propre et l’alimentation saine : même s’il est effectivement vrai que la Suisse a une eau des plus propres du monde, les rapports actuels de l’Office fédéral de l’environnement confirment que des pesticides et leurs produits de décomposition s’infiltrent dans notre eau potable via les sols, et ce au-delà de la limite légale. Il est clair que notre eau est encore potable, mais sauf réglementation la situation ne va faire qu’empirer avec les années.  La difficulté, c’est que les conséquences de cette pollution des eaux ne seront visibles qu’après de nombreuses années quand des maladies plus graves commenceront à se développer avec plus de virulence. Et à partir de ce moment-là, il sera encore plus difficile de faire marche-arrière. En soit, comme le problème n’est pas encore spectaculairement observable, on préfère simplement l’ignorer : mais cette politique de l’autruche finira inévitablement par atteindre sa limite. Le débat est le même en ce qui concerne l’initiative sur les pesticides de synthèse : ces derniers peuvent être clairement détectés dans les échantillons d’urine et de sang. Je comprends bien l’agriculteur qui affirme qu’en cas de parasite, sans pesticides de synthèse, toute sa plantation sera détruite, mais c’est bien parce que notre agriculture s’est de plus en plus spécialisée. Le simple fait de diversifier ses plantations serait déjà une partie de solution potentielle. L’agriculture est l’un des domaines les plus subventionnés de Suisse, je pense que le citoyen est donc en droit de participer au débat et d’avoir son mot à dire sur le genre d’agriculture qu’il désire voir mis à l’œuvre. De plus, le contrôle de la bonne utilisation de ces produits est aujourd’hui peu fiable : s’il n’y a pas de statistiques en Suisse, on sait qu’en France selon un rapport de 2018, sur 100’000 professionnels de l’agriculture, le nombre de personnes tombées malades à cause des pesticides de synthèse est estimé à 10’000. Le but de ces initiatives, c’est bien de lancer un débat sur l’agriculture que l’on désire en Suisse, et ce débat comprend aussi les professionnels du monde agricole. »