La conférence organisée par l’équipe d’EquOpp aborde des thématiques telles que le harcèlement de rue, le féminisme et la prévention. Salomé Joly, rédactrice de la BD « Silencieuse(s) », s’exprime sur ces sujets. Compte-rendu.

Salomé Joly (à gauche) interviewée par Léa Blant.

Si je devais m’adresser aux femmes* qui lisent cet article…dites-moi, qui, parmi nous, n’a jamais ressenti de la peur en rentrant seule la nuit tombée ? Qui n’a jamais hésité à sortir à cause de sa tenue ? Qui n’a jamais posé sa main sur son verre par peur de se faire droguer en soirée ? Toutes ces stratégies d’évitement sont utilisées par appréhension de se faire interpeler, ou pire. Le harcèlement de rue est donc indéniable, mais il semble être un fléau à consonance plutôt féminine.

En effet, comme on peut le constater dans la BD « Silencieuse(s) », les personnages masculins ne semblent pas comprendre l’ampleur du problème. D’ailleurs, l’autrice nous a même confié que lorsque son père a lu son travail pour la première fois, il a eu les larmes aux yeux. Le problème semble donc ne pas être suffisamment connu, d’où le titre de la BD « Silencieuse » qui dénonce l’invisibilisation du phénomène et vise à délier les langues sur l’un des nombreux tabous féminins.

L’œuvre illustre les nombreux témoignages qui ont été envoyés à l’écrivaine. Ils sont tous tirés d’histoires réelles et dénoncent la banalisation du sujet. Autrement dit, sa bande dessinée est un appel à sortir du silence. Bien qu’on lui ait parfois reproché de trop féminiser la cause, cette dernière répond qu’en effet le harcèlement de rue n’arrive pas qu’aux femmes, mais aussi à certains hommes et à beaucoup de personnes de la communauté LGBT. Cependant, elle s’est basée sur son expérience de femme cis et a choisi d’orienter son travail dans cette direction.

Par ailleurs, on ne peut pas parler de harcèlement de rue fait envers la gente féminine sans évoquer la question du féminisme. Je me suis donc permise de poser quelques questions à la principale intéressée. Salomé Joly 23 ans, en master de droit à l’université de Genève, répond à toutes nos questions.

Qu’est-ce qui vous a menée à écrire sur ce sujet ?

Salomé Joly : J’avais 17 ans quand j’ai commencé à m’intéresser au sujet, au féminisme et à la loi pénale relative au viol. Je commençais à me rendre compte que moi aussi je vivais le harcèlement de rue et je commençais à mettre en place des stratégies d’évitements. Dans le cadre de mon travail de maturité, je me suis concentrée sur la question du harcèlement de rue, plus précisément sur sa banalisation.

Pourquoi une BD et pas un autre média ?

SJ : Pour mon travail de maturité, on m’a offert la possibilité de faire une bande dessinée. Et comme mon but était de sensibiliser à la question, j’ai vu une opportunité de parler de la problématique.

Vous considérez-vous comme féministe ou préférez-vous ne pas être catégorisée ?

SJ : Je ne vois pas cela comme quelque chose de négatif, alors oui je me considère féministe. Je prône l’égalité des individus et le respect de chacun·e. La majorité des cas de harcèlement de rue est réalisée par des hommes et dirigée envers des femmes. Ceci dit, je suis tout à fait consciente que c’est quelque chose qui peut arriver à tout le monde. Je crois qu’au fond, le harcèlement de rue est avant tout un problème de respect.

Que pensez-vous du féminisme actuel ?

SJ : J’ai toujours de la peine avec le discours extrême. Je pense qu’il y a toujours des zones d’entre-deux et que l’on ne peut pas penser que tous les hommes sont des harceleurs parce que c’est dans leur nature et qu’ils ont été élevés comme ça sans le savoir. Je ne peux pas condamner tout le monde, mais il faut des personnes qui osent dire fortement les choses pour que ça change. Des actions considérées comme « plus fortes » ne sont pas forcément mauvaises. Après, j’ai de la peine avec le discours qui ne regarde que d’un côté et qui n’essaie pas de regarder de l’autre, comme l’exclusion des hommes cis dans certaines conversation. Je le comprends pour certaines choses, mais pas pour toutes les décisions. À mon avis, il faut les convaincre, ouvrir le débat. Il faut de la violence pour faire réfléchir parfois, mais ça ne suffit pas.

Spectrum : Le ton est donné, ne vous taisez plus !

Crédit photo: Flore Dikkers