Dossier FIFF: Critique On the Job 2: The Missing 8 

À l’occasion de la 36ème édition du Festival international du film de Fribourg (FIFF), Spectrum vous propose une couverture des différents films et autres conférences qui parsèment le festival: Notre avis sur le film On the Job 2: The Missing 8.

 

Dans le sillon des cinéastes inspirés par le cinéma survolté, synthétique à l’extrême et complexe de Martin Scorsese, Erik Matti devrait s’imposer comme l’un de ses héritiers les plus émérites tant son On the Job 2: The Missing 8 réussit l’exploit de rendre les circonvolutions des intrigues politico-criminelles du gouvernement phillipin non seulement digestes mais également diablement passionnantes. Suite thématique de son On the Job, sorti en 2013 (vous n’êtes pas tenu d’avoir vu ce dernier pour comprendre et apprécier le présent film), cette plongée dans la corruption du système politique et médiatique phillipin parvient, comme ses illustres modèles, à transcender l’exercice du polar mafieux pour en faire une vrai saga épique d’une durée excédant les trois heures.

Narciso “Sisoy” Salas est une vedette de la radio qui a commencé sa carrière dans un quotidien frondeur qu’il a créé avec son ami Arnel Pangan, avec qui il est en froid depuis que Sisoy s’est lié d’amitié à Pedring Eusebio, le maire de la Paz, importante municipalité des Philippines. Suite à la disparition d’Arnel et de son fils ainsi que celle de six de ses confrères journalistes, Sisoy se remettra en question à mesure qu’il découvrira l’ampleur de la corruption rampante qui ronge sa ville…

Tirant habilement parti de ces personnages stéréotypés (qu’Erik Matti traite néanmoins avec sérieux et profondeur), le film raconte les diverses strates sociales de son pays et comment elles interagissent, en dressant un constat plus qu’amer des institutions nationales. En filigrane de  l’enquête sur les huit disparus, c’est un tir à boulet rouge sur le gouvernement phillipin auquel le.la spectateur.trice assiste. Erik Matti est d’ailleurs moins intéressé par le mystère (le.la spectateur.trice sait immédiatement ce qui est arrivé aux missing 8) que par la description méthodique du système carcéral phillipin, du crime organisé et, surtout, du travail d’investigation journalistique, fortement compromis par la mainmise des gens d’influence du pays.

Face à la complexité d’une telle entreprise, Matti s’en sort admirablement en tirant toutes les bonnes leçons du cinéma de Scorsese, faisant presque oublier sa durée pachydermique (3 h 28 tout de même…) en usant de tout le dynamisme de sa mise en scène. Utilisation de tubes pop (Ne cherchez plus, on tient la meilleure utilisation de We gotta get out of this Place), plans séquences acrobatique, split screens, montage expert, la mise en scène d’Erik Matti est proprement impressionnante mais, hélas, peut-être un peu  trop prisonnière de ses influences. En effet, On the Job 2: The Missing 8 peine dans sa première haure à trouver sa propre voix. Qu’à cela ne tienne, l’œuvre d’Erik Matti demeure un film extrêmement bien ficelé, profond et exigeant servi par des interprètes de qualité et une vitalité de tous les instants.