Peu visibles mais nombreuses à Fribourg, les sociétés d’étudiants sont moins mystérieuses qu’il n’y paraît. Rituels alcoolisés et barbecues sur terrasse, mais aussi un réseau social très riche: voilà les ingrédients de base de la Société des Etudiants Suisses. Sans oublier les rites ancestraux.
Forte de ses septante sections réparties sur plus de quarante gymnases, universités et HES, la Société des Etudiants Suisses (SES) ne compte pas moins de 7600 membres. Parmi ces derniers, moins du quart est actif au sein des sections, le reste constitue le corps des «anciens». D’abord exclusivement masculine, la Société s’est ouverte aux femmes en 1968. Dès lors, elle a vu l’apparition de sections mixtes et féminines, portant à ce jour le nombre de femmes au sein de la SES à un millier. La SES est aux trois quarts germanophone, mais comporte une Fédération Romande.
Un intérêt pour la politique
Datant de 1841, la naissance de la SES est liée au conflit entre les catholiques-conservateurs et les libéraux-radicaux, souvent de confession protestante. Dans un premier temps exclusivement catholique, la Société est aujourd’hui de confession chrétienne. Bien qu’appartenant à un organe politiquement neutre, les membres de la SES manifestent souvent un intérêt accru pour la politique. Les sections encouragent d’ailleurs leurs membres à être actifs dans la communauté politique, académique ou universitaire.
Fribourg est le berceau de l’une des plus anciennes sections gymnasiales de la SES, la Zaehringia, et compte aujourd’hui plus d’une douzaine de sections. Parmi elles, l’AKV Alemannia, une section germanophone masculine, et la Sarinia, section francophone mixte (voir l’interview ci-contre). Selon Blaise Fasel, membre de l’Alemannia, les conditions d’admission telles que la confession ou la langue ne sont pas gravées dans la roche. Cependant, la foi et les valeurs chrétiennes restent la toile de fond de l’Alemannia.
Bouche-à-oreille et réseautage
Les sections fribourgeoises, en dehors de leur présence à la journée d’accueil, sont peu visibles sur le campus. Le recrutement de membres se fait le plus souvent de bouche à oreille. Affiliés à la section à vie, les anciens y sont encore très impliqués. Par exemple, ce sont eux qui ont permis l’achat de la maison des Alemanniens, sise à la rue de Lausanne. Une preuve si besoin est que la notion de réseau est au coeur de la Société.
Le Stamm est le point de ralliement de chaque section. Les membres y organisent fêtes, conférences et réunions. Les actifs comme les anciens sont conviés, ce qui permet les contacts entre les participants et la création d’un réseau très riche. Les échanges entre sections sont nombreux, ce qui accroît encore l’étendue de ce réseau. Certaines activités sont ouvertes au grand public, afin de donner à la Société une meilleure visibilité et de permettre le recrutement de nouveaux membres. Les us et coutumes des sections ne sont pas sans rappeler les clichés traditionnellement véhiculés au sujet des sociétés estudiantines. Ainsi, au sein de l’Alemannia, le contrat d’allégeance est signé au dos d’un sous-verre, si possible Cardinal. Les Fuchs (nouvelles recrues, ndlr) participent à une course d’orientation dans toute la Suisse, avec pour les guider des énigmes concernant les anciens de leur section. Ce rallye leur permet d’expérimenter l’étendue du réseau dans lequel ils viennent d’entrer et l’hospitalité réservée aux membres.
Un pour tous…
Les sections de la SES regroupent des étudiants de toute la Suisse. À l’origine, l’accès à la Société était réservé à une part aisée de la population. L’investissement aujourd’hui est plus d’ordre personnel que financier. Chaque membre se voit attribuer une tâche. Certaines sont classiques, d’autres plus originales, par exemple la responsabilité d’envoyer une carte pour l’anniversaire de chacun des membres, actifs ou anciens. Il est donc nécessaire de bien gérer son temps, comme le souligne Blaise Fasel. Le côté amusant de la vie au sein de la section ne doit pas éloigner les membres de leurs obligations académiques. Les études sont l’une des valeurs principales de la SES et tous s’entraident pour réussir. L’Alemannia possède par exemple une base de données regroupant les notes de cours de leurs membres. Là encore, le réseau est un soutien.
(par Tatiana Armuna / photo de Amy K. Nguyen / paru dans Spectrum 4/2011)