Encore un de ces jours où il devrait être interdit de sortir de chez soi. Tout d’abord, il pleuneigeait; les inconvénients de chaque sans les avantages, autrement dit une pluie lourde et grasse qui vous donne l’impression en quatre seconde de devenir une éponge gorgée, mais sans le manteau blanc vous renvoyant dans l’enfance et vous procurant de soudaines et irrépressibles envies de cadeaux. Comme il se doit, c’est le jour que j’ai choisi pour me munir de deux sacs, un cornet de livres et un courageux parapluie.

Premier trajet jusqu’à la voiture: après quelques contorsions et empilages improbables, je parviens à tout y faire tenir. Arrivée à la gare où la sortie du véhicule s’avère plus compliquée à cause de l’espace restreint qui sépare ma boîte de conserve de la BMW d’à côté. Je dois donc m’arranger pour simultanément tenir ma portière entrouverte sans qu’elle n’embrasse trop langoureusement la fameuse berline, tout en sortant mes trois sacs, en ouvrant mon parapluie et en tenant mes clés. Résultat prévisible, mes livres choient dans une flaque, alors que mon parapluie s’ouvre si brutalement –et dans la mauvaise direction– qu’il me fait lâcher le reste de mon barda.

Quelques acrobaties et gémissements plus tard, je reprends mon chemin et atteins le distributeur de billet. Sortir mon portemonnaie… J’y parviens ; après trois nœuds gordiens et deux tentatives de suicide par strangulation –quasi réussies. La faute à mes nombreuses lanières. Enfin mon train part. Celui que j’étais censé parvenir à prendre, du moins.

De guerre lasse, je décide de rentrer chez moi et de me remettre au lit, afin d’éviter les cataclysmes que présage un tel début de journée. Finalement, le chez moi se résumera à… devant chez moi. En effet, mon sombre pressentiment s’est bien vérifié après cinq fouilles aussi nerveuses et pathétiques que systématiques de tous mes contenants: j’ai égaré mes clés. Un de ces jours, donc, où j’exigerai dorénavant que l’on m’enferme dès le matin.

Matthieu Monney