Nymphomaniac, depuis sa sortie, a fait beaucoup de bruit. Des bruits très hétérogènes. Il promettait d’être difficile ou juste supportable. Résultat: une excellente surprise et des souvenirs plein la tête!

Tout d’abord, une question se pose: où sont les limites?  Celles du scandale, celles de la capacité de résistance psychologique, celles de la moralité. Nymphomaniac (écrit aussi parfois Nymph()maniac), sorti en deux parties durant le mois de janvier 2014, pose cette question sans tabou ni scrupule. Une constellation d’excellents acteurs participent à l’odyssée orgiaque, dont la muse de von Trier Charlotte Gainsbourg, le formidable Stellan Skarsgard, Shia LaBeouf, Uma Thurman ou encore un Jamie Bell qui a bien grandi depuis Billy Elliot, mais qui reste toujours aussi… cogneur.

Un soir d’hiver, Joe est couchée dans une ruelle, elle a été tabassée. Un vieil homme du quartier, Seligman, la recueille chez lui, la soigne et lui demande ce qu’il s’est passé. Joe, par souci de précision voire de justification, lui explique en posant une condition: elle lui racontera toute sa vie, celle d’une nymphomane. Représentante, symboliquement, des valeurs de la chair, du corps, du physique, du mathématique, Joe confronte son récit au vieil érudit qui incarnera son pendant intellectuel, spirituel, métaphysique, théorique. L’enjeu du film est cette confrontation fabuleuse, passant parfois dans de passionnantes digressions philosophiques sur le bien et le mal.

Soyons clairs, Nymphomaniac n’est pas un porno, c’est un film qui contient des images pornos. Nymphomaniac n’est pas non plus immoral, il pose la question de la moralité. Plusieurs scènes sont difficiles voire dégoutantes, mais avez-vous lu le Marquis de Sade? Connaissez-vous la peinture de Paul Avril? Savez-vous seulement faire la différence entre l’érotisme et la pornographie? En cela, Nymphomaniac est un film nécessaire. Car il permet au spectateur de se confronter à ses propres limites. Le long-métrage de Lars von Trier vous permettra de mieux vous connaître, de mieux vous comprendre et ainsi, mieux comprendre l’humanité. Tel n’est-il pas l’objectif de toutes créations artistiques et culturelles ?

Nymphomaniac n’est donc pas qu’une suite d’images de cons, de phallus en érection et de copulations au bruit de yogourt. C’est aussi – c’est surtout ! – un film intelligent, bourré de références littéraires et scientifiques, délicieusement profanateur et très esthétique. Il se peut que vous sortiez de la salle de cinéma un peu dégoûtés, un peu choqués, cela durera 3+5 minutes au maximum. Les commentaires à son propos sont d’ailleurs largement exagérés, participant à la mythologie et au marketing du film. Si vous vous êtes remis des coups de fouet sur le dos de Jésus dans la Passion du Christ (2004) de Mel Gibson, il n’y a pas de raison que Nymphonmaniac vous empêche de réfléchir à la profonde interrogation de la sexualité et ses limites. Et, dans le cas où vous auriez besoin de vous en remettre, lisez un Marc Levy, c’est plus léger.

Nymphomaniac, Lars von Trier, 2014, environ 4h

Matthieu Corpataux

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