C’est dans l’ambiance intimiste du théâtre du Bilboquet que la compagnie théâtrale Les Rescapés a choisi de présenter sa nouvelle création. Dans le cadre d’un repas-lecture, elle met en scène “Le jeu de l’auto-stop”, de l’écrivain tchèque Milan Kundera. Paul Pignat, metteur en scène, explique ce choix: “Nous avons opté pour ce texte car Milan Kundera fête ses 85 ans cette année. ‘Risibles Amours’, dont est extraite la nouvelle que nous lisons, est l’œuvre qui représente le mieux sa vie. Elle aborde des thèmes tels que les rapports entre les gens, les faux-semblants ou les indécisions”.
Jeu ou réalité?
Face au public, un narrateur sobrement vêtu, tenant un texte à la main. Il se met à lire: “L’aiguille de la jauge d’essence s’approcha du zéro, et le jeune conducteur…” Il s’interrompt, scrutant la salle, perplexe. Son regard tombe alors sur un jeune couple attablé derrière lui. S’approchant d’eux, il les attire tant bien que mal sous les projecteurs et les enjoint à se glisser dans la peau des personnages de son histoire. Les protagonistes au complet, le récit peut commencer.
Un jeune couple est en route afin de se rendre sur son lieu de vacances. La voiture fait halte afin de permettre à mademoiselle de soulager un besoin pressant. À son retour, elle feint de faire de l’auto-stop, pour amuser son compagnon, lequel se laisse volontiers prendre au jeu. “Où désirez-vous aller, mademoiselle?”, demande-t-il sans s’imaginer jusqu’où les conduira ce qui n’est censé être qu’une plaisanterie. Se comportant comme deux parfaits inconnus, le couple se laisse peu à peu griser par ce jeu de séduction qui ne tarde pas à prendre le pas sur la réalité.
Une polyphonie narrative
En préférant la lecture d’une nouvelle à la représentation d’une pièce de théâtre, Les Rescapés s’attaquent à un défi de taille, celui de donner vie à un texte narratif. Si les acteurs lisent la plupart du temps, ils parviennent à insuffler suffisamment d’énergie au texte pour ne pas tomber dans le piège de la monotonie. La réussite du spectacle doit énormément à sa mise en scène, laquelle donne une certaine ampleur à la narration. Les acteurs n’hésitent pas à franchir la frontière entre les différents niveaux de narration. Ils s’échangent les scripts, illustrent le récit à l’aide de dessins sur un tableau noir et se chargent d’ailleurs eux-mêmes de servir aux spectateurs les différents plats entrecoupant la représentation! Ces trouvailles confèrent énormément de richesse au texte et empêchent la tension du spectacle de faiblir. Entre sobriété, humour et fragilité, les Rescapés ont réussi à donner au texte un ton très juste et embarquent le spectateur pour un très beau moment.
Les représentations ont lieu du 18 au 25 juin, avec relâche le 19 et le 23. Détails et réservations sur le site de la troupe: www.lesrescapes.net