Échelonner le tournage d’un film sur douze ans: un projet à première vue un peu fou. C’est pourtant le défi que se lance Richard Linklater en 2002, lorsqu’il effectue les premières prises de Boyhood, sorti récemment en salles. Le long-métrage retrace l’enfance et l’adolescence de Mason, élevé par des parents divorcés. Disputes entre frères et soeurs, premières soirées, découverte de l’amour: ce long-métrage déroule tous ces moments qui ponctuent le passage de l’enfance à l’âge adulte. Derrière l’apparente banalité de ces thèmes, ce film fait figure de première dans l’histoire du cinéma.

Une authenticité remarquable

Lorsqu’en 2002 Ellar Coltrane est choisi pour incarner Mason, il a 7 ans. Le film s’ouvre sur l’image d’un petit garçon aux grands yeux rêveurs allongé dans l’herbe. 2h45 plus tard, c’est d’un jeune homme fraîchement entré à l’université que le spectateur prend congé. Difficile  d’imaginer que les deux scènes ont été tournées avec le même acteur! Ce prodige est le fruit de la patience de Richard Linklater, qui a permis à Ellar Coltrane de grandir parallèlement à son personnage. Cette démarche  pour le moins audacieuse confère un ton extrêmement réaliste au film, qui se conçoit comme une étude de la condition humaine. Richard Linklater n’a pas suivi de scénario prédéfini, mais a choisi de s’inspirer au fil des années de l’expérience de vie de ses acteurs. La spontanéité de leur jeu se ressent d’ailleurs tout au long du film, ce qui lui confère une remarquable authenticité. Ce réalisme est en outre servi par une mise en scène très sobre. Si elle s’immisce au coeur de scènes intimistes, la caméra sait se faire discrète.

Une habile gestion du temps

Le véritable tour de force de Boyhood réside dans sa fluidité. Douze années défilent sur l’écran en 2h45, sans que l’on ait l’impression d’avoir effectué le moindre saut dans le temps. Seuls de subtils changements de coiffure ou de style vestimentaire d’une scène à l’autre permettent de constater le vieillissement des personnages. Divers repères historiques (campagne électorale de Barack Obama, guerre en Irak) et culturels (Harry Potter, Twilight) habilement insérés dans le film permettent en outre au spectateur de s’y retrouver dans ce voyage temporel déroutant.

Malgré sa longueur et la simplicité de son intrigue, Boyhood ne tombe pas dans le piège de la monotonie. Cette performance est en grande partie due au fait que le film parvient à capter ces moments qui font de la vie ce qu’elle est. S’il représente des situations auxquelles chacun peut s’identifier, Boyhood possède un ton si juste qu’il ne tombe jamais dans la caricature.

À noter que le film a reçu une dizaine de prix dans le cadre des festivals, où il a été projeté.

Marie Torello