Le débat de ce mercredi appréhendait la thématique des initiatives populaires, devenue tabou notamment après de récentes votations. Les organisateurs avaient pris soin d’inviter des représentants politiques de tous bords et de tous genres.
Il y avait du beau monde dans l’Aula Magna mercredi 16 novembre, tous réunis autour d’un ancien journaliste du Freiburger Nachrichten, tenu d’animer la discussion. Précédés par un bref rappel historique sur les initiatives populaires par le professeur Adriano Previtali, les invités nous ont ensuite émus chacun à leur tour en relatant un souvenir se rapportant à leur premier contact avec des initiatives populaires. Le dernier interpellé et le premier à saluer la salle, l’UDC Manfred Bühler épate l’audimat avec son bilinguisme parfait. Un exemple pour nous tous.
« Une très bonne chose ! »
-Claude Rouiller
Si le débat ne s’échauffe guère, chaque invité nous fait part de sa petite idée qui justifierait le foisonnement d’initiatives ces dernières années. Selon le schaffousien Thomas Minder, le travail des politiciens à Berne ne correspondrait plus aux attentes du peuple suisse qui préfèrerait alors lancer des initiatives. « Une très bonne chose ! », scande l’ancien président du tribunal fédéral Claude Rouiller. Ce dernier affirme que si les Helvètes ne descendent pas dans les rues au moindre écart politique comme nos aimables voisins, c’est grâce aux initiatives populaires qui nous permettent d’exprimer nos avis et d’éviter ainsi les conflits sociaux. C’est vrai que la dernière fois, c’était quand même en 1918…
La fin du débat (qui est davantage une discussion amicale) tourne autour d’une possible relecture du texte des initiatives populaires. Le PDC Dominique de Buman appuie cette proposition mais souligne qu’une relecture du texte devrait être appliquée au moment du dépôt de l’initiative, et non après la récolte des signatures.
« L’initiative populaire est certes un joyau démocratique, dont certains en font un jouet émotionnel »
-Claude Rouiller
Quant à la fribourgeoise Ruth Lüthi, bien entourée ce soir-là par la gente masculine, se sentira obligée d’ajouter que pour sa part, l’initiative qu’elle aimerait prochainement lancer thématiserait de la répartition hommes-femmes en politique, plus précisément qu’aucune future liste ne pourrait être présentée sans la parité des genres. ABE.
Claude Rouiller, qui nous a fait sourire, rire et même applaudir durant la soirée aura le mot de la fin : « L’initiative populaire est certes un joyau démocratique, dont certains en font un jouet émotionnel ».
Dix initiatives populaires ont été acceptées depuis l’an 2000. Rappelons qu’entre 1891 et 1999, douze initiatives avaient été acceptées. L’intensification de l’utilisation de cet outil démocratique saute aux yeux. Aujourd’hui, suite au lancement de l’initiative pour la primauté du droit suisse, le débat est plus que jamais d’actualité. Des intervenants variés ont répondu à la question : L’initiative populaire – un joyau démocratique ou un jouet émotionnel ?
MAYA BODENMANN
Les étudiants ont été bien présents mercredi dernier à l’Aula Magna pour entendre des figures politiques suisses se prononcer sur le fondement et l’utilisation de l’initiative populaire. Le débat a certes mis le doigt sur la divergence des opinions, mais une sorte de tranquillité a régné tout au long du débat. Et ceci n’a pas été pour déplaire.
Claude Rouiller, ancien Président du Tribunal fédéral a marqué les esprits avec son humour, son honnêteté et son expérience. Il a défendu le concept de l’initiative populaire en affirmant que c’était un excellent moyen d’éviter les conflits sociaux. Or, il estime que les initiatives commencent à polluer la Constitution et cite l’initiative de l’expulsion des criminels étrangers, et l’initiative du « Berufsverbot » comme exemple. « Des textes incompréhensibles et impossibles à mettre en œuvre. » Il a rappelé qu’il n’y a pas pire dictature que celle d’une majorité issue d’une minorité. Une phrase qui ne peut que nous faire réfléchir en tant que potentiels votants.
Au sujet de l’éventuel contrôle préalable des initiatives populaires avant la récolte de signatures, Ruth Lüthi, ancienne membre de l’exécutif fribourgeois (PS), a exprimé son inquiétude. Pour elle, lorsqu’une initiative est contraire aux accords bilatéraux par exemple, il est nécessaire d’agir, de prévenir la population des conséquences d’un « oui. » Elle n’exclut pas la possibilité d’interdire une telle initiative.
Thomas Minder, député aux Conseils des Etats, et Manfred Bühler, conseiller national UDC, ont défendu l’institution de l’initiative telle qu’elle est utilisée aujourd’hui. Thomas Minder a expliqué : « um Politik zu machen, wir müssen Initiative machen. » Manfred Bühler a affirmé que l’intensification de l’utilisation de l’initiative populaire était un bon signe qui montre que la culture démocratique suisse est vivante. Il estime que le parlement a de la peine à accepter qu’une initiative puisse mettre le doigt sur un vrai problème. « L’initiative populaire est un diamant de la politique suisse. »
Dominique de Buman, conseiller national PDC a su répondre à la question des majorités peu représentatives avec espoir et motivation. Il a expliqué que les débats serrés ne pouvaient qu’inciter les gens à participer et à voter, et que la Suisse était obligée de mettre en œuvre des initiatives serrées pour responsabiliser les citoyens, et leur prouver que « chaque voix compte ! »
Au-delà des opinions politiques et des débats gauche-droite, cette soirée nous a permis de réfléchir à l’initiative populaire, l’un des piliers de la démocratie Suisse.