« Pour une Suisse souveraine, sans hétéronomie ! Contre le basculement vers une entrée dans l’UE ! Pour une démocratie forte ! » Après 25 ans à entendre les mêmes discours, ça suffit gentiment, non ? 

La Suisse dépend de l’Union Européenne. Plus de la moitié de nos exports finissent leur course dans l’un de ses 28 Etats membres et plus de septante pourcents de toutes nos importations proviennent de ces derniers. L’UE, par contre, peut se targuer de ne voir en la Suisse qu’un partenaire commercial négligeable. La loi qui prévaut sur les autres dans notre pays est d’ailleurs celle de l’Union Européenne, et sans le personnel qualifié qui nous vient des pays voisins, il serait par exemple impossible de répondre à la demande helvétique dans le domaine médical. Dès lors, il paraît clair qu’un cours nationaliste ne nous serait pas forcément bénéfique.

Sur la route de l’isolement depuis 25 ans

Depuis, au plus tard, le « oui » à l’initiative sur l’immigration de masse, alors que l’Union Européenne avait envoyé un signal d’alarme à la Suisse via une exclusion du programme de recherche Horizon 2021 et du programme d’échange Erasmus, nul ne peut ignorer que les bilatérales ne peuvent pas être utilisées librement et de manière opportuniste. À noter que le fait que nous puissions tout de même continuer à étudier à l’étranger repose sur le choix du gouvernement de financer les bourses qui étaient auparavant payées par l’UE. Cependant, l’UDC ne compte pas s’arrêter après ce succès : avec son « initiative pour l’autodétermination », le parti entend bien faire prévaloir le droit suisse sur le droit international. Les autres partis s’accordent quant à eux pour s’opposer à cette idée. Une telle loi fragiliserait la Suisse, puisque chaque accord international pourrait être remis en question par l’initiative. L’UDC ne se formalise pas de cet aspect, à juste titre, d’après ses membres. Avec le slogan « contre l’entrée insidieuse de la Suisse dans l’Union européenne », avancé par ailleurs dans le débat pour cette initiative, elle est devenue le premier parti des électeurs de Suisse. Il est à noter que l’UDC doit en grande partie son ascension à ce positionnement. Quand elle s’était présentée en 1992 comme le seul parti à s’opposer à l’entrée dans l’Espace économique européen, le précurseur de l’UE, elle avait été récompensée lors du plébiscite par une participation record et un peu plus de la majorité des voix.

ASIN et Young4fun.ch

Deux autres associations, principalement exploitées par des acteurs de l’UDC, espèrent elles aussi conduire la Suisse vers le chemin de l’isolement politique ; l’ASIN (Action pour une Suisse indépendante et neutre) et Young4fun.ch (fun étant un acronyme germanophone, le nom du groupe pourrait se traduire par « Jeunesse pour une Suisse libre, indépendante et neutre »), l’équivalent des jeunes UDC. L’une et l’autre poursuivent le même but, à savoir limiter les rapprochements entre la Confédération Helvétique et l’Union Européenne. Ils s’opposent donc à la présence de la Suisse à l’ONU, aux accords bilatéraux, à l’expansion des permissions aux nouveaux membres de l’UE, à la contribution de la Suisse au Fonds de cohésion européen ainsi qu’à la participation de l’armée suisse à des missions à l’étranger.

Initiatives politiques réelles ou pure provocation ?

Mais heureusement, les électeurs suisses semblent penser qu’une telle mesure d’éloignement avec l’UE nuirait plus qu’elle n’apporterait. Bien que l’initiative sur l’immigration de masse ait été soutenue par une (petite) majorité, les relations concrètes entre la Suisse et l’Union Européenne ont toujours été acceptées depuis 1992, que ce soient les accords bilatéraux, les accords de Dublin et de Schengen ou encore la participation au Fonds de cohésion. En fin de compte, la Suisse n’a jamais été un pays isolé, et ne le sera jamais. Elle est tout simplement trop petite, et trop peuplée à la fois, pour pouvoir espérer s’auto-suffire. Nous serions donc les perdants en cas de séparation d’avec l’UE. Les initiatives telles que « les lois du pays avant les lois étrangères » ne sont donc pas « suisses », mais sont au contraire dangereuses et purement provocatrices, et ne devraient jamais atteindre la sphère politique réelle. Reste à espérer que nous continuerons, en tant qu’électeurs, à nous engager pour une Suisse ouverte, sans nous laisser influencer par la rhétorique nationaliste et le populisme émergeant.