Ecrire un compte rendu sur une conférence de Marc Bonnant s’apparente un peu à compiler une encyclopédie en quelques caractères tant les thèmes et les arguments abordés sont vastes.
Le métier d’avocat. On s’attend, à la lecture du titre, à conseils et anecdotes terre à terre sur la pratique de l’avocature, à passer un moment de plus plongé dans les lois et leurs diverses interprétations. Le discours de Maître Bonnant était tout autre.
Celui-ci arrive. On le présente brièvement, et il prend le verbe. Pas de feuilles, aucune note. Être avocat n’est pas être juriste. C’est être un souffle, un mouvement, un homme libre. Le juriste lui, lit les différents codes, la jurisprudence du Tribunal Fédéral, mâche et recrache. L’avocat puise ses sources dans la littérature. Son intelligence littéraire est primordiale. Il se cultive et utilise son savoir lors de ses plaidoiries. Ses principales sources d’inspiration sont les anciens philosophes grecs et tout particulièrement les sophistes, pères de la rhétorique.
Il s’en imprègne et affûte son éloquence. Il ne craint pas le silence dans ses discours, mais le maîtrise, l’utilise, à l’instar d’une digression bien placée qui vient nourrir l‘argument. L’avocat ne cherche pas toujours la vérité. Elles sont multiples et propres à l’instant. Dans un conflit, la perception des parties diffère, ce qui implique qu’un argument, qu’il soit bon ou mauvais, n’est pas forcément du côté de la justice. L’avocat prend le fardeau de celui qui vient le consulter et cherche une solution. Il a parfois la vie d’une personne entre les mains. L’avocat est un artiste qui se remet toujours en question, qui doute de tout.
On sent dans l’ensemble son discours, une inquiétude palpable très nietzschéenne : le monde de l’avocature est sur le déclin et la lecture de jurisprudence s’apparente à ces fameuses pulsions de mort dont nous parle le philosophe allemand, confinant l’avocat à un rôle qui ne lui sied pas, celui de simple « Code sur pattes », alors qu’il faudrait être art, littérature et liberté.