Manger son prochain est un sujet très apprécié des cinéastes d’horreur et de films d’exploitation. Le cannibalisme peut cependant offrir plus au cinéma qu’une toile de fond gore. Il est aussi capable d’illustrer les pires aspects d’une société inégalitaire.

Ottavio et Gilda sont un couple de nantis appartenant à la haute société brésilienne. Ils vivent dans une villa au bord de la mer, étroitement surveillée. Entre deux dîners mondains, mari et femme s’amusent à faire participer leurs serviteurs à leurs jeux sexuels, avant de les exécuter et de les manger tout en sirotant leur vin rouge.

Malgré son titre, le film est étonnamment mesuré dans son utilisation du gore et de la nudité. Chaque scène de violence ou de sexe (les deux étant souvent liées) est justifiée par l’intrigue et ne déparait pas avec le reste du film. Le rythme est étonnamment posé et les plans souvent très esthétiques, avec un amour pour la symétrie, rappelant le style de Kubrick. Le cannibalisme n’est pas ici l’attraction principale de l’histoire, ni même son point culminant. Il n’est que la suite logique des comportements élitistes de la caste privilégiée, qui considère les classes défavorisées au mieux comme de bons serviteurs, au pire comme de la vermine tout juste bonne à servir leurs bas instincts. Les victimes sont à ce point déshumanisées que nos anti-héros ne se considèrent même pas comme des meurtriers.

Si l’on peut reprocher au film un manque de subtilité dans ses métaphores, c’est parce que comme de nombreux films d’horreur à message, il est essentiel de dénoncer frontalement le problème. Lorsqu’il est plus aisé d’admettre que l’on a tué, dépecé et consommé un être humain que de reconnaître son homosexualité, par peur d’être rejeté par sa propre société intolérante, nous avons affaire à une société malade. C’est hélas le cas du Brésil actuel, qui derrière son image de fête perpétuelle, cache une vérité abjecte faite de violences et d’inégalités sociales.

Le film ne manque pas d’humour, prenant plaisir à révéler les différentes fêlures du couple anthropophage dans des dialogues où se mêlent plaisanteries et menaces. Ce sentiment de menace est d’ailleurs constant : il infecte chaque plan, est distillé dans les échanges les plus banals.

Les privilégiés vivent dans un état de constante crainte du changement, effrayés par l’idée de se voir dépossédés de leur statut. C’est cette même peur qui les poussera à finalement s’autodétruire, arrivés au bout de leur logique. Le film assume ainsi son propos jusqu’au bout, confrontant le spectateur à sa propre soif de sang.

The Cannibal Club
Réalisateur : Guto Parente
Brésil
2018
81 min

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