Dimanche et lundi, l’auditorium Stravinsky s’est mué en terrain de jeux pour deux des plus gros calibres rock actuels : les Américains de Queens of the Stone Age et Nine Inch Nails. Chronique de deux soirées arrosées en décibels.
Il faut avoir confiance en soi pour passer avant QOTSA. Cette fois ci, c’est The Last Internationale qui s’est chargé du sale boulot. Le trio propose un rock énervé aux textes engagés. Un drapeau énorme aux couleurs révolutionnaires trône d’ailleurs fièrement au-dessus de leurs têtes, et ils ne font rien pour cacher leur affinité politique. Côté compo’, c’est du déjà-vu. Mais l’énergie est là et la chanteuse se débrouille drôlement bien pour mettre l’ambiance. Elle a un faux air d’Alison Mosshart agréable aussi visuellement que musicalement. La salle était effectivement bien préparée pour le concert qui allait clore la soirée. Le guitariste et le batteur jouent bien, quelques bons riffs sortent du lot. Même si le premier n’a pas coupé les cordes qui dépassent des mécaniques de sa guitare et le deuxième porte des gants. Dans le genre grosses fautes de goût, on se situe là.
Il est 22h quand Josh Homme et sa bande entrent enfin sur scène. Il faut dire qu’ils savent se faire attendre, puisque ça fait une demi-heure que le mec derrière moi gueule à chaque fois que la musique d’ambiance s’arrête. Première chanson : A Song for the Deaf. La maîtrise technique est toujours aussi hallucinante. La soirée sera chaude. Contrairement à The Last Internationale, les Californiens n’ont pas la fibre bolchévique et se revendiquent depuis toujours comme des libertariens invétérés. Mais quelle présence. Malgré toute les critiques qu’on a pu faire sur le dernier album, QOTSA garde son côté lourd et sexy quoiqu’il arrive. Le public a eu droit à un set parfaitement proportionné entre les nouvelles et les anciennes chansons. Coup de cœur pour In the Fade qui a retenti à la moitié de la soirée en hommage à Natasha Shneider qui a joué, entre autres, avec eux lors de leur passage au Jazz en 2005 et décédée d’un cancer il y a quelques années. Entre deux clopes dont il ne fume que le quart, Josh the Boss se sert un petit verre de tequila et se moque des gens assis en haut de la salle. Quelle idée en même temps. Payer plus cher et rester assis pour voir le meilleur groupe du monde. L’héritage laissé par Joe Castillo, qui a quitté le groupe en 2013, était plutôt lourd à assumer au niveau de l’énergie de son jeu et de l’image du colosse derrière sa batterie qui ont contribué à façonner la réputation des Américains. Jon Theodore a probablement moins de kilos de muscles, de tatouages et de rage, mais il est tellement « tight » que ça en devient presque frustrant. Pas un coup à côté. La grande classe. On aurait adoré une petite Un-Reborn Again pendant le rappel comme lors du concert à Zürich, mais le public n’a eu droit qu’à A Song for the Dead, véritable hymne en matière de Stoner qui a marqué celles qui sont peut-être les plus belles années de QOTSA.
Le lundi, c’est Gary Numan qui a ouvert la soirée au Strav’. J’avoue ne pas avoir compris grand-chose à ce qui m’arrivait. C’est le seul concert de ma vie où je n’ai pas entendu la batterie. Un grand voile sonore. Tout du long. On a beaucoup aimé les quelques chansons un peu plus tranquilles, mais dans la majorité du set, tout était très/trop violent. Une configuration inadaptée à la salle peut-être ? C’est au moment où j’ai senti ma rate vibrer que j’ai compris qu’il fallait sortir et aller en boire une.
Un peu dans la même veine de Gary Numan, c’est Nine Inch Nails qui a terminé la soirée avec un rock alternatif électrique, lourd et gras. Le mix général était, par contre, bien meilleur et le concert a été agréable à écouter. Trent Reznor est impressionnant tant par son énergie que par sa créativité. Musiques de film, producteur, leader de groupe, il est capable de changer de costume en s’adaptant comme un caméléon au marché de la musique. On notera sa collaboration avec Josh Homme dans le cadre de l’album Sound City et de la chanson Mantra, avec Dave Grohl à la batterie. Magique. La puissance de feu du groupe est stratosphérique. Que ce soit au niveau musical ou visuel, avec des joujous à la pointe de la technologie. Peut-être trop pour la salle de taille moyenne qu’est le Stravinski. Le charismatique chanteur est sur la retenue et communique peu avec le public, en alternant entre guitare et chant. Les chansons se succèdent et il ne se passe pas grand chose, même si les musiciens qui accompagnent Reznor pour cette tournée sont extrêmement doués. Quand même un bon concert en somme, mais on s’attendait à quelque chose de plus. Surtout quand on voit pour la première fois un artiste, on imagine toujours à un show différent de ce qu’on voit. En bien ou en mal. Je me réjouis de revoir Nine Inch Nails dans un autre contexte, le jeu de lumière est juste énorme.
Montreux Jazz 2018:
https://www.montreuxjazzfestival.com
The Last Internationale
Queen of the Stone Age
Nine Inch Nails
Crédits photo: ©Montreux Jazz; Hugo Marie; Mehdi Benkler