Dans le dernier numéro de Spectrum, la nouvelle rubrique Fake News vous gratifiait d’un récit uchronique sur le congé paternité en Suisse. Quelles informations étaient véridiques ? Lesquelles étaient du bullshit ? Démêlons le vrai du faux grâce à cet article qui rétablit la vérité, rien que la vérité.

Ceci est la version véridique de l’article « La bataille pour le congé paternité est engagée » issu de la rubrique « Fake News », paru dans le numéro papier du mois d’octobre.

Cher·ère lecteur·rice, il ne faut pas croire tout ce que disent les médias. L’article Fake News, paru dans le dernier numéro, en est la preuve ! Tu t’en doutes : il s’agissait d’en appeler à ton bon sens pour réaliser qu’une partie des prétendues « informations » contenues dans cet article ne pouvaient pas être véridiques. Apprendre à faire la part des choses dans les médias, c’est un outil essentiel pour aiguiser notre sens critique.

À présent, lumière sur l’info… mais surtout sur l’intox !

La vérité nue

1. Le Parlement a bel et bien appelé au rejet de l’initiative « Pour un congé paternité raisonnable », le vendredi 27 septembre. Le décompte des voix présenté dans l’article est exact.

2. Le contre-projet du Parlement propose bien 10 jours de congé paternité, à financer grâce à l’Allocation de perte de gain.

3. Le dispositif proposé par les initiant·e·s consistait en 20 jours à répartir durant la première année de l’enfant.

4. Le sondage Tamedia est réel. Sur un échantillon de 20.000 personnes interrogées, 40% se sont déclarées favorables, et 20% plutôt favorables, à un congé paternité de quatre semaines.

5. Philippe Gnaegi a bien été interviewé dans Forum, le 2 octobre dernier.

Mens-moi, Pinocchio !

1. L’ensemble des citations des intervenant·e·s sont pures fantaisies de Chapelier fou et ne sont destinées qu’à des fins humoristiques.

2. Ainsi, Philippe Gnaegi n’a jamais formulé les propos que nous lui avons prêtés. Et pour cause : le comité a retiré son initiative. Seule condition : que le contre-projet ne soit pas soumis à référendum. Dans Forum, Philippe Gnaegi explique un choix stratégique : « Les sondages sont avec nous, c’est juste. Mais lorsque vous lancez une initiative, vous avez besoin d’une double majorité. Vous avez besoin de la majorité du peuple, et celle-là, je pense qu’on l’aurait obtenue. Vous avez besoin aussi d’une majorité des cantons, et je pense que celle-ci était plus difficile à trouver ».

3. Bien sûr, les papas auront droit à leurs 10 jours sans être réduits temporairement à l’esclavage. On rappelle au passage que la Moria, c’est cet endroit sympa de la Terre du Milieu où Gandalf joue les videurs face à un Balrog. Moria, c’est aussi le nom d’un camp de réfugié·e·s en surcapacité sur l’île de Lesbos, en Grèce.

Revue de nos protagonistes involontaires

Pour des raisons évidentes de bullshit, on ne pouvait pas se permettre de citer faussement des personnes bien réelles. Néanmoins, on a quelques infos intéressantes pour vous.

Valentin Vogt. ©Rob Lewis, SAV/UPS

Valentin Vogt est le président de l’Union patronale suisse. À notre connaissance, il ne s’est pas prononcé sur le congé paternité, mais serait favorable à « l’amélioration de l’offre d’accueil extrafamilial et [à] la déduction fiscale des frais de garde », selon Pro Enfance. En revanche, Marco Taddei, responsable Suisse romande de l’UPS, a clairement affirmé l’opposition du syndicat patronal au congé paternité. Cité par Le Temps, il qualifie ce dispositif d’« intrusion dans le mode de fonctionnement des entreprises ».

 

Heinz Karrer. ©Economie Suisse

Heinz Karrer, président d’Economie Suisse, ne s’est pas non plus prononcé sur le congé paternité, à notre connaissance.

Philippe Bauer est un conseiller national PLR de Neuchâtel (2015-2019), élu dimanche 20 octobre aux États. Pas de déclaration sur le congé paternité, mais un vote contre la loi sur l’égalité salariale.

Raymond Clottu est un conseiller national ex-UDC de Neuchâtel (2013-2019). En 2016, il justifiait le rejet par la droite du congé paternité au nom des hausses de cotisations qu’impliquerait l’extension du champ des assurances sociales. Lui aussi a voté contre l’égalité salariale.

Philippe Gnaegi, ex-conseiller d’État PLR à Neuchâtel (2009-2013) et directeur de l’organisation Pro Familia, a soutenu l’initiative « Pour un congé paternité raisonnable ». Interviewé dans Forum, il évoque désormais l’instauration d’un congé parental qui viendrait compléter le congé maternité de 14 semaines. L’objectif serait de faciliter l’insertion des femmes sur le marché du travail.

Quant à Marcela M., elle existe bien. Mais elle n’est pas militante du comité d’initiative et elle n’a embroché aucun macho. Du moins pas encore.

Crédit illustration: ©Antoine Bouraly

Sources des informations:
Les Suisses sont favorables à un congé paternité de quatre semaines, RTS, 30 septembre 2019 : https://www.rts.ch/info/suisse/10746718-les-suisses-sont-favorables-a-un-conge-paternite-de-quatre-semaines.html.
L’initiative qui demande 20 jours de congé paternité a été retirée, RTS, 2 octobre 2019 : https://www.rts.ch/info/suisse/10753762-l-initiative-qui-demande-20-jours-de-conge-paternite-a-ete-retiree.html.
Congé paternité : le comité d’initiative retire son texte, Tribune de Genève, 2 octobre 2019 : https://www.tdg.ch/suisse/conge-paternite-comite-initiative-retire-texte/story/13774911.
Interview de Philippe Gnaegi dans Forum, 2 octobre 2019 : https://www.rts.ch/play/radio/forum/audio/initiative-pour-le-conge-paternite-de-quatre-semaines-retiree-interview-de-philippe-gnaegi-22?id=10734664.
Pro Enfance, article en ligne : http://www.proenfance.ch/74-personnel-qualifie-les-enfants-aussi-concernes.
Congé paternité : pas de référendum en vue, Le Temps, 3 octobre 2019 : https://www.letemps.ch/suisse/conge-paternite-referendum-vue.
Ils ont voté non à la loi sur l’égalité salariale, 24 heures, 1er octobre 2018 : https://www.24heures.ch/suisse/Ils-ont-vote-non-a-la-loi-sur-l-egalite-salariale/story/29374473.
Le National enterre l’idée d’un congé paternité de deux semaines, Le Temps, 27 avril 2016 : https://www.letemps.ch/suisse/national-enterre-lidee-dun-conge-paternite-deux-semaines.