Rencontre avec Etienne Guerry pour parler des programmes d’intégration consacrés aux requérant·e·s d’asile et aux réfugié·e·s.

Lorsque l’on veut parler d’intégration des étranger·ère·s à Fribourg, il est avant tout essentiel de bien comprendre la politique d’asile du canton. L’organisation générale de l’asile, qui comprend les demandes, la procédure et la réponse, dépend en premier lieu de la Confédération. Les cantons appliquent donc les décisions prisent par cette-dernière, avec toutefois une certaine marge de liberté quant à leur mise en place.

Ainsi, Fribourg est équipé de deux infrastructures en charge de la politique d’asile.  La première est la direction de la santé et des affaires sociales (DSAS) qui va s’occuper de l’accueil de requérant·e·s d’asile, des hébergements et de leur intégration. La seconde est la direction de la sécurité et de la justice (DSJ) qui s’occupe de l’application des procédures y compris de l’exécution des renvois. Ces deux autorités prennent conjointement des décisions et vont ensuite mandater des organisations pour travailler sur le terrain. À Fribourg, c’est essentiellement Caritas Suisse qui s’occupe des réfugié·e·s et ORS qui prend en charge les requérant·e·s d’asile, les personnes admises à titre provisoire et les requérant·e·s d’asile débouté·e·s.

Quelques définitions

• Réfugié·e : d’après l’art. 3 al. 1 LAsi, c’est une personne qui fuit son pays en raison d’un sérieux danger compte tenu de leur race, leur religion, leur nationalité, leur appartenance à un groupe social ou encore leur opinion politique.

• Migrant·e : il n’y a pas de définition juridique, mais les Nations Unies qualifie ce terme par : « toute personne qui a résidé dans un pays étranger pendant plus d’une année, quelles que soient les causes, volontaires ou involontaires, du mouvement, et quels que soient les moyens, réguliers ou irréguliers, utilisés pour migrer ».

• Requérant·e d’asile : il s’agit d’une personne qui a demandé l’asile, mais qui n’a pas encore reçu de décision. Elle détient le droit de rester temporairement dans le pays où elle a effectué sa demande, le temps que la procédure aboutisse.

Programmes d’intégration
Ainsi le canton a la charge de mettre en place le dispositif d’intégration pour les personnes du domaine de l’asile et des réfugiés. Pour ce faire, il faut analyser en premier lieu les besoins des personnes concernées, puis mener des projets pour y répondre. Les programmes d’intégration comportent trois grands piliers. L’apprentissage d’un niveau de langue adéquat est le premier d’entre eux : cela sous-entend qu’il faut fournir une formation de langue, tout en considérant le fait que certaines personnes apprennent mieux en travaillant qu’en suivant des cours. Le deuxième pilier est l’intégration professionnelle par la formation ou par l’emploi. Enfin le troisième est l’autonomie dans la gestion des tâches quotidiennes, ce qui comprend les courses, les transports publics, la gestion du loyer, la caisse maladie, etc. Ces trois piliers doivent soutenir tout projets d’intégration des étrangers.

Etienne Guerry.

Avant 2008, l’intégration n’était pas considérée comme une charge étatique, ni cantonale d’ailleurs. À la suite d’un changement de loi, il a fallu progressivement tout mettre en place : « Le premier projet instauré, c’est les conseiller·ère·s en intégration auprès des organisations ORS et Caritas Suisse », explique Etienne Guerry, coordinateur pour les tâches d’intégrations et d’insertion LAsi/LASoc. Il ajoute : « Il s’agit de coach·e·s qui vont suivre les personnes réfugié·e·s ou requérant·e·s d’asile et les aider à s’insérer socialement et professionnellement ». Iels vont suivre ses personnes réfugié·e·s ou requérant·e·s d’asile sur la durée afin de les guider et les conseiller. Ceci dans le but qu’iels finissent par pouvoir se débrouiller par eux·elles-mêmes. « Selon moi, c’est un projet à mettre en évidence, affirme Etienne Guerry. En effet, cela a été repris au niveau national : l’Agenda Intégration (agendaintegration.ch) va compléter au programme d’intégration cantonal (PIC). »

Un aperçu de ces projets
Etienne Guerry a pu contribuer à divers projets : « J’ai notamment participé à la création de la Salamandre, une cuisine qui prépare des repas, mais qui va aussi les refroidir pour ainsi les proposer en Tupperware le lendemain. » Ce projet répond à deux besoins constatés. D’une part, la nécessité de former au métier d’aide aux cuisines, car environ 30% des personnes du domaine de l’asile et des réfugiés travaillent dans ce secteur d’activités. « Il ne s’agit pas d’avoir une formation de cuisine complète, précise Etienne Guerry, mais de maitriser notamment les gestes professionnels de base et l’hygiène. » Une formation longue de quatre mois, suivie d’un stage. D’autre part, le second besoin est de répondre à une demande de fourniture de repas pour les jeunes en formation. « Entre 2015 et 2016, explique Etienne Guerry, à la suite de la crise migratoire, une vague de jeunes est arrivée en Suisse. Ils ont pour la plupart reçu des attestations de séjour. C’était dès lors un devoir de mettre en place une formation professionnelle conjointement à des cours d’intégration professionnelle. » Ces jeunes, parfois mineur·e·s et sans famille, débutent leur vie d’adulte alors qu’iels ne savent pas forcément cuisiner, ce qui est prérequis, car dans les centres c’est à eux de se faire à manger.

Un autre exemple de projet : la FRintegration.ch. Cette plateforme permet de mettre des curriculums vitae anonymes en ligne, qui seront ensuite consultés par des entreprises. Ce projet, né d’une collaboration avec l’Union Patronale du canton de Fribourg, a permis à un plus grand nombre d’entreprises d’engager des réfugié·e·s qui autrement seraient peut-être rester frileuses. « Le message est passé, souligne Etienne Guerry. Ce sont des gens qui partent avec un peu de retard, car il y a tout l’aspect de l’intégration à prendre en compte, mais qui sont tout à fait capables et très motivés. »

Un futur projet ?
« Il y a un projet dont j’aimerais bien parler, confesse Etienne Guerry, mais qui n’est pour le moment que sous forme d’une idée et en pleine gestation. Il s’agirait de mettre en place un programme pour les mineur·e·s non accompagné·e·s. » Les mineur·e·s non accompagné·e·s sont des jeunes réfugié·e·s isolé·e·s qui ont été séparé·e·s de leurs parents. Ils et elles sont pris·es en charge par un personnel éducatif, mais une fois qu’iels quittent les foyers mis en place par l’État, iels se retrouvent seul·e·s, ce qui n’est pas toujours évident. « Cela serait bien qu’iels aient des contacts ici, mais pour l’État c’est plus difficile à mettre en œuvre, affirme Etienne Guerry. Le projet se porterait donc sur la création de collocations étudiantes, composées d’un·e étudiant·e et d’un·e réfugié·e. » Pour conclure, le message d’Etienne Guerry est le suivant : « C’est important de souligner que pour une bonne intégration cela demande un effort de la part des personnes migrantes, tout comme des habitant·e·s de la société d’accueil. L’intégration paie ! »

Pour plus d’informations :
https://www.fr.ch/vie-quotidienne/integration-et-coordination-sociale/asile-dans-le-canton-de-fribourghttps://www.frintegration.ch/