Dossier FIFF: Critique Maria Chapdelaine
À l’occasion de la 36ème édition du Festival international du film de Fribourg (FIFF), Spectrum vous propose une couverture des différents films et autres conférences qui parsèment le festival: Notre avis sur le film Maria Chapdelaine.
Un bien bel objet filmique que ce Maria Chapdelaine ! Présenté hors-compétition, cette adaptation du roman éponyme de Louis Hémon – immense classique outre-atlantique – s’attache à représenter le quotidien, aussi dur que tendre, d’une famille québécoise de la frontière canadienne dans le grand nord au début du siècle dernier. Maria Chapdelaine, fille aînée d’une grande famille pionnière, est le cœur de ce film qui la voit subtilement passer à l’âge adulte dans un Canada en lente transformation. Qu’il est rafraîchissant de voir sur des écrans suisses une chronique familiale située dans un contexte peu connu des Helvètes ! D’autant plus que Sébastien Pilote a pour ambition de nous livrer le portrait le plus authentique possible de la communauté des pionnier.ère.s du Canada.
Religion, dialecte québécois, travail acharné et vie familiale, toutes ces thématiques sont abordées avec fluidité et sans emphase dans un film qui évite à tout prix le spectaculaire et la superficialité. Sébastien Pilote filme à merveille le Travail dans tout ce qu’il a de plus hardu mais également de plus noble et gratifiant ( il faut voir les visages à la fois fatigués et souriant des bûcherons du film, tous interprétés à la perfection) mais sait aussi retranscrire toute la richesse des silences et des non-dits qui rythme le quotidien de ces “habitant.e.s” reclus qui “font de la terre” le temps d’un court été entre deux rudes hivers. L’attente et l’ennui sont également représentés sans détour par le réalisateur qui n’hésite pas à adopter un rythme très contemplatif. Si on pourra regretter une certaine propension du film à s’étendre trop sur la longueur à trop vouloir figurer le temps long, nous pourrons apprécier d’autant plus la radicalité et la sincérité de sa démarche ainsi que son ambition. Le film ne brille d’ailleurs jamais autant que lorsqu’il filme le changement civilisationnel et le sourd désarroi de ces gens de peu de mots qui sentent que les “choses ne seront plus jamais comme avant…”
Maria Chapdelaine contrebalance la froideur du grand nord avec la chaleur humaine qui émane de ces personnages. Thierry Jobin, le directeur artistique du Fiff l’a décrit lors de la conférence de presse du festival comme un “anti-western” et on ne peut que lui donner raison tant ce Maria Chapdelaine montre une histoire de pionniers nord-américains aux antipodes de la violence et de l’individualisme du cinéma hollywoodien et lui préfère au contraire la charité aimable, les “bonnes façons”, l’entraide et la communauté. Maria Chapdelaine est un film âpre et sec en même temps qu’il est tendre et humain, à l’image de sa communauté d’”habitant.e.s”