Le Japon, pays le plus sûr du monde ?

Le Japon est un pays souvent pris en exemple pour ses statistiques de criminalité exceptionnellement basses. Mais est-ce réellement le cas ? La question se dresse après l’assassinat violent en juillet 2022 de Shinzo Abe, l’ancien premier ministre japonais.

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Si les Yakuzas (ヤクザ), premier terme qui nous vient à l’esprit lorsque l’on parle de criminalité au Japon, font l’objet d’un grand intérêt, il·elle·s ne sont toutefois pas les seul·e·s à remplir les prisons japonaises. En effet, une tendance moins connue de la population carcérale du Japon est son taux important de personnes âgées. Si les crimes yakuzas sont certes en baisse, ceux des séniors sont tristement en augmentation. Ceci n’est pas uniquement dû à la population vieillissante du pays, mais également au problème de pauvreté et de solitude des personnes âgées. En effet, beaucoup de Japonais·e·s n’ont nulle part où finir leurs jours, ou ont une trop petite retraite pour vivre confortablement. Il·elle·s commettent alors des délits mineurs. Ces « crimes gris » forcent le système carcéral à devenir un lieu de refuge pour les seniors japonais·e·s qui reçoivent ainsi trois repas par jour ainsi que des soins adaptés. Ceci traduit un énorme problème des retraites dans un pays où 1 senior sur 5 vit sous le seuil de pauvreté.

Mais qu’en est-il du respect des droits de l’Homme dans la justice nippone ?

Si le pays présente des statistiques exemplaires pour un pays démocratique, le droit à la présomption d’innocence reste très peu respecté dans les arrestations. En effet, l’arrestation provisoire peut durer jusqu’à 23 jours, sans avocat, et peut se prolonger avec une nouvelle accusation. La personne placée sous garde à vue n’a le droit de rien faire à part d’être assise dans une cellule de 6m2. Il est totalement légal au Japon de faire durer les interrogatoires jusqu’à 12 heures, à portes fermées et sans avocat. Ces conditions, qui seraient illégales dans de nombreux autres pays démocratiques, sont une forme de torture mentale, poussant par tous moyens l’obtention d’une confession écrite. Ces lettres sont souvent référencées lors des condamnations des juges. Cette « justice de l’otage » ou hitojichi shihō (人質司法) aident à parfaire les statistiques. De plus, les procureur·e·s n’envoient également devant un juge que les accusé.e.s dont il·elle·s sont certain·e·s qu’il·elle·s seront condamnés. Il est toutefois important de faire la distinction suivante : il n’y a pas 99% des personnes arrêtées au Japon qui recevront un verdict inculpant, ce sont 99% des personnes jugées qui sont considérées comme coupables. Il n’y a qu’un quart des personnes arrêtées qui finissent devant le tribunal. De plus, une condamnation peut signifier autre chose que de la prison comme un sursis ou une amende par exemple.

Ce besoin viscéral de la police nipponne de paraître parfaite aux yeux de la population et de ne pas baisser son taux d’élucidation est telle que dans les années 90 le dicton « Au Japon, il n’y a pas de meurtres » était fréquent dans les commissariats. Les policier·ère·s travaillaient à l’époque de sorte que, s’il n’y avait pas de témoins actifs, il n’y avait pas de meurtre, mais des suicides ou des accidents. Si ces cas sont aujourd’hui dénoncés par les médias et moins fréquents, cela traduit une culture du silence et de l’apparence qui continue à exister au Japon.

Le Japon est-il un pays « trop » sûr ?

Si certain·e·s dressent paresseusement le lien entre leur politique d’immigration très stricte et leur taux de criminalité très bas, la réalité n’est pas si simple. Les méthodes utilisées mais surtout la culture de respect résultent en un pays où les citoyen·ne·s affirment se sentir en sécurité, et bénéficient d’une tranquillité d’esprit. Il est important d’également considérer les aspects culturels liés à la relation aux règles établies et le concept de respect. Il y a également des facteurs économiques ainsi que le système éducatif et la politique sur la drogue et les armes à feu qui aident à garder le pays en sécurité. La police nippone a une volonté de réussite forte, parfois trop, poussant ainsi parfois à des aveux forcés. Il·elle·s décident encore trop souvent de fermer les yeux plutôt que d’avouer la vérité humaine que la police n’est pas parfaite.

Sources : La phase cachée de la police japonaise, Louis-San, Youtube. “The Conditions are Barbaric”: Real Stories From Japan’s ‘Hostage Justice’ System, Tokoyo Weekender, 2020