Il est 17h55 en ce beau samedi de mars, et la salle n°4 du cinéma Arena est déjà pleine de public et de bonne humeur. Tout le monde attend avec impatience l’arrivée d’une star hollywoodienne partie de nos contrées il y a de cela 25 ans.
Francine Lecoultre a grandi à Curtilles, un petit village dans la vallée de la Broye, et c’est là que, dès l’âge de six ans, elle a pris en main sa première machine à coudre. Une trentaine d’années plus tard, alors qu’elle enseignait les branches artistiques à l’Ecole normale de Fribourg, elle a pris la courageuse décision de partir s’installer à Los Angeles pour suivre un rêve fou : devenir costumière pour de grandes productions internationales. Ce soir, elle nous fait l’honneur d’être de retour sur ses terres natales pour nous parler de son parcours et, surtout, de ses somptueuses créations.
Sur la demande d’Olivier Wyser, journaliste à La Liberté et modérateur de la conversation, Francine commence par raconter comment elle a réussi à se faire sa place dans la fourmilière qu’est Hollywood. En deux mots : réseautage et chance. Mais ce qui a assurément propulsé l’artiste vers les cimes, ce sont sa détermination et son excellence dans un travail qui est aussi sa passion. Son premier projet était la série télévisée Star Trek, dans laquelle elle a donné vie à divers extraterrestres et autres créatures fantaisistes. Elle a ensuite transformé nombre d’acteur∙rice∙s en super-héros, figures royales ou encore personnages maléfiques dans des films comme Batman & Robin, The Cell, Mission: Impossible III, Passengers, ainsi que tous les Fast and Furious.
Il faut dire que Francine a su se démarquer en développant ses propres spécialités. Parmi celles-ci, la création de tissus spéciaux, comportant souvent des ornements dorés semblant venus d’un autre temps. Elle travaille également beaucoup avec les textures, pour lesquelles elle s’inspire fréquemment d’éléments naturels. Elle nous le dit, les souvenirs de son enfance à la campagne ont une influence non-négligeable sur les motifs qu’elle choisit, rappelant tantôt du bois, tantôt une peau de serpent. Une grande partie de son travail consiste à donner l’illusion qu’une étoffe est faite d’un autre matériau. Par exemple, l’artiste fabrique souvent des tenues qui paraissent incrustées ou plaquées de métal. En effet, elle nous explique que les effets spéciaux commencent déjà au niveau des costumes.
Passionnée par les défis techniques et cherchant constamment à se dépasser, la costumière n’a pas peur d’apprendre de nouvelles manières de faire. Le passage au numérique, notamment, a grandement impacté sa façon de travailler et, bien qu’à ses yeux, rien ne détrône le charme du fait-main, elle sait tirer profit des outils technologiques modernes. Pour illustrer cela, elle nous montre une couronne réalisée en impression 3D, une technique qu’elle utilise de plus en plus afin de repousser les limites de l’innovation. Aujourd’hui, nous dit-elle, il est même possible de créer un tout nouveau type de tissu entièrement imprimé en trois dimensions !
Francine a l’amour du détail, et c’est aussi cela qui fait sa force. Sur un tournage, un vêtement peut être sali ou abimé, c’est pourquoi il doit être répliqué plusieurs fois, et ce, parfaitement à l’identique. A ce sujet, l’artiste nous parle du costume porté par Amy Adams dans Il Etait une Fois (Enchanted). Il s’agit une robe de princesse aux reliefs exubérants, tapissée de motifs art-nouveau et incrustée d’innombrables cristaux. Pour le tournage, celle-ci a dû être reproduite pas moins de 15 fois, jusqu’au plus infime détail. Un travail colossal et de haute précision ! Heureusement, quoiqu’elle fasse la majeure partie du travail manuel elle-même, Francine est toujours secondée par une équipe d’assistant∙e∙s.
Au-delà des productions destinées aux écrans, la costumière participe aussi à de grands spectacles et opéras dans divers pays du monde. Elle a par exemple créé les déguisements des quelque 150 sirènes qui nageaient dans le lac lors du spectacle d’ouverture d’Expo 02. Pour cette réalisation, elle a collaboré avec l’entreprise Rip Curl, qui a alors fabriqué la base du vêtement : une combinaison étanche et résistante au froid. En effet, les conditions climatiques des lieux de tournage ou de performance doivent impérativement être prises en compte dans l’élaboration des costumes afin de garantir la sécurité et, dans la mesure du possible, le confort des acteur∙rice∙s ou commédien∙ne∙s. Pour cela, il est nécessaire de collaborer avec des professionel∙le∙s locaux, une partie que Francine apprécie beaucoup. Pour la fourniture de textiles également, elle aime faire appel à des artisan∙e∙s autochtones car le savoir-faire, la sensibilité et les codes diffèrent d’une culture à l’autre.
La talentueuse couturière nous parle encore de ses plus récentes contributions dans les films Hocus Pocus 2, sorti en automne 2022, et Shazam ! 2, qui sortira tout prochainement sur nos écrans. Elle nous montre des photos de quelques-unes de ses illustres créations, puis la conversation se termine dans un tonnerre d’applaudissements. Admirateur∙rice∙s comme ami∙e∙s d’enfance, tous∙tes sont heureux∙ses d’être en présence d’une personnalité si inspirante !