Quelle figure féminine pour parler de révolte ? Jeanne d’Arc ou Rosa Parks par exemple, mais le choix de Spectrum s’est porté sur l’antique Antigone de Sophocle.
Antigone dans le Grand Dictionnaire Larousse de la Mythologie Grecque et Romaine (2011)
Incarnation de la révolte face à un pouvoir injuste, cette femme au destin tragique aura suscité dès sa création nombre de questions et de débats philosophiques, encore vivants aujourd’hui. Appartenant à la famille maudite du célèbre Œdipe, la « rebelle » est issue de l’union entre ce dernier et la reine Jocaste, mère de celui-ci. Lorsqu‘Œdipe comprend plus tard qu’il s’était marié à sa mère, il se crèvera les yeux et sera chassé de Thèbes. Antigone décide alors de rester à ses côtés jusqu’à son décès à Colonne. De retour à Thèbes, la jeune femme se voit à nouveau frappée par une tragédie. Ses deux frères Etéocle et Polynice s’entre-tuent dans leur lutte pour accéder au pouvoir. Le roi Créon décide d’accorder des funérailles uniquement à Etéocle car, à ses yeux, Polynice était un traître à la patrie. Ce dernier interdit même à quiconque d’élever un tombeau pour le rebelle sous peine de mort. Antigone, refusant cette idée, tente de convaincre sa sœur Ismène de l’aider pour dresser une sépulture à leur frère. Celle-ci, jugeant l’entreprise trop périlleuse, refuse. Antigone, bien résolue à le faire malgré tout, se fait prendre et est conduite devant Créon, intraitable. L’intrépide jeune femme ainsi que sa sœur, bien qu’innocente, sont condamnées à mourir de faim, emmurées à l’intérieur d’un tombeau. Hémon, le fiancé d’Antigone et fils du roi, se dispute avec son père, qui accepte finalement de libérer Ismène. Le jeune homme s’enfuit alors, tandis que le devin Tirésias prévient Créon d’un grand malheur à venir s’il s’obstine à retenir Antigone prisonnière. Refusant d’abord, il finit par accepter de rendre sa liberté à la jeune femme. Malheureusement, il est déjà trop tard. La jeune rebelle s’est pendue et son fiancé étreint son corps sans vie. Une nouvelle dispute éclate entre le roi et son fils. Hémon tente d’assassiner son père mais finit par s’infliger le coup de grâce. Eurydice, sa mère, ne supportant pas la perte de son fils, se tue, souhaitant le malheur à Créon, son époux. Ce dernier est effondré et la prédiction de Tirésias réalisée.
Quelles leçons tirer de la tragédie d’Antigone, conséquence de ses convictions inébranlables ?
En partant de la réponse donnée par Antigone à Créon lorsque celui-ci rend sa sentence à la jeune femme, c’est-à-dire, qu’il n’est personne pour aller à l’encontre des lois divines qui sont au-dessus de tout, même d’un roi, Spectrum se propose d’explorer brièvement les débats philosophiques et moraux inhérents à révolte. Certes, en prononçant ces mots, la rebelle révèle son idéalisme et sa noblesse, mais peut-être également son manque de patriotisme, élément qui, sans doute, lui enlèvera toute magnanimité de la part du roi.
Selon Hannah Arendt, citée dans l’ouvrage de Lionel Ponton Philosophie politique et philosophie du droit, la révolte ne peut se faire par la violence, outil propre au pouvoir. Le binôme Antigone/Créon peut être apparenté à cette idée, en ce que la première, décrite comme douce et idéaliste, s’oppose de manière douce et noble à Créon qui, lui, est violent dans sa réaction. Or, que penser d’une révolte faite avec douceur et passivité comme celle d’Antigone, lorsque le pouvoir, lui, démontre toute sa puissance et sa violence dans la répression ? Faut-il croire que révolte va de pair avec violence pour qu’elle aboutisse ? D’après Hannah Arendt, si la violence permet de détruire le pouvoir, elle est incapable d’en construire un nouveau. En ce sens, la révolte pacifique menée par Gandhi, et ayant abouti à l’indépendance de l’Inde, est un exemple inspirant.