On l’appelle « économie de l’abonnement » et c’est la nouvelle laisse au cou des consommateur·rice·s. De propriétaire, l’acheteur·euse devient simple locataire de services. Comment en est·on arrivé·e·s là ? Et à quel prix ? Mise au point.
La révolution numérique a accouché d’un monstre : l’abonnement. Alors qu’elle devait être synonyme de libération, voire de gratuité, nous nous retrouvons à allonger la monnaie chaque mois pour conserver l’accès à des services, là où auparavant nous payions une fois pour toutes pour un produit. Et ça commence à faire mal aux fesses.
Aux origines d’un modèle économique « plein d’avenir »
L’abonnement trouve son origine dans le domaine de l’édition et les infrastructures de réseaux. L’objectif ? Garantir l’accès à des services essentiels (eau, électricité, télécom) ou proposer des biens et services pour une durée limitée selon les envies de chacun∙e.
Ce modèle connaît un nouvel essor au tournant du siècle, en particulier grâce aux TIC (technologies de l’information et de la communication) : certains formats tels que les jeux vidéo en ligne (World of Warcraft) ou le streaming (Netflix, Spotify) impliquent par leur nature même un abonnement. Parfois, celui-ci apparaît comme une alternative raisonnable à l’achat d’un produit au coût prohibitif : c’est le cas d’Adobe et Microsoft Office. Ces formules s’accompagnent de fonctionnalités supplémentaires, comme le Cloud et des mises à jour régulières, et ont rendu leurs produits plus accessibles. Et avec les smartphones, les abonnements se sont étendus aux applications mobiles.
Quand l’économie de services devient racket
Les chantres de l’abonnement peuvent voir l’avenir en rose. Selon le magazine Challenges (14 février), ce modèle économique a entraîné une forte augmentation du nombre d’utilisateur∙rice∙s, mais aussi des chiffres d’affaire.
Si l’idée semble bonne a priori, les choses se compliquent quand le∙la consommateur∙rice est captif∙ve et que son choix est restreint. Adobe est déjà passé au tout-abonnement, Microsoft en prend le chemin, et d’autres acteurs plus surprenants suivent la tendance. L’usager∙ère se trouve à la merci de changements de modèle économique parfois intempestifs. Et les abus se multiplient. Le Figaro (3 février) cite un exemple frappant, celui de Fantastical, un agenda largement apprécié par les utilisateur.rice.s d’IPhone. Autrefois au prix d’achat de 5,49 euros, il faudra maintenant débourser cette somme tous les mois pour y avoir accès.
Economie et écologie ont bon dos
Comment justifier ces tarifs croissants ? Le coût des mises à jour est-il si élevé ? Impossible de ne pas se poser la question en constatant les revenus conséquents que peut générer l’abonnement. Outre l’argument du pouvoir d’achat, ses promoteur∙rice∙s sortent parfois la carte de l’écologie, notamment quand il est question d’appliquer ce modèle à l’électroménager : les constructeur∙rice∙s, soucieux∙euses de faire durer le produit, renonceraient à l’obsolescence programmée.
La généralisation de l’abonnement pose la question de la liberté réelle dans une économie dite « libérale » : plutôt que de faciliter l’accès à des services trop chers par ce biais, ne devrait-on pas faire baisser les coûts pour permettre à chacun∙e d’acquérir ces biens en conservant son indépendance ? Si l’abonnement a ses vertus, prenons garde à ce qu’il ne fasse pas de nous les sujets taillables et corvéables d’un corporatisme triomphant.
Texte : Amélie Gyger et Sylvain Cabrol
Illustration : Antoine Bouraly