Opposé à la peine de mort, l’illustre cinéaste Werner Herzog rend visite à des détenus américains condamnés à la peine capitale. Retraçant leurs histoires, il expose leurs crimes au Festival de Locarno. Et signe quatre documentaires proprement terrifiants.
C’est l’histoire de Darlie Routier, qui assassine sauvagement ses deux fils de sept et huit ans avec un couteau de cuisine, épargnant mystérieusement son nourrisson âgé de sept mois. C’est Robert Fratta, qui commandite le meurtre de son épouse. C’est Douglas Feldman, qui abat des chauffeurs de camions sur l’autoroute en pleine nuit au volant de sa Harley-Davidson. C’est encore Blain Milam, qui massacre son enfant de treize mois avec l’aide sa petite amie lors d’un exorcisme.
Tous sont condamnés à mort pour leurs terribles crimes. Tous attendent leur exécution dans le couloir de la mort depuis plus de dix ans. Certains, comme Darlie Routier, nient leur culpabilité malgré des preuves accablantes. «Death Row» est une série de films documentaires qui retracent leur histoire.
Une pudeur qui ne cache pas l’horreur
Werner Herzog (Aguirre, Fitzcarraldo) s’engage dans un exercice compliqué. S’acquittant lui-même de tous les commentaires et des interviews, il adopte une posture très pudique. Son opposition à la peine de mort s’exprime sans polémique, en début de séquence. Interrogeant les criminels, les policiers en charge de l’enquête, les procureurs qui ont instruit l’affaire et les familles des victimes et des coupables, il dresse peu à peu le portrait des quatre condamnés à mort.
Herzog, homme sensible, a ressenti des difficultés à réaliser ces documentaires. «On ne peut pas en faire trop» a-t-il déclaré mercredi soir à Locarno. «Ces films vous tourmentent. Ils vous poursuivent. J’ai recommencé à fumer pour supporter le découpage technique» a-t-il avoué, visiblement ému.
Un globe-trotter serial killer
Et pour cause: le tournage a été l’occasion de quelques sueurs froides. La confrontation avec le tueur en série Douglas Feldman, exécuté au Texas il y a deux semaines seulement, n’a pas été de tout repos. «Lors d’une de nos séances d’interview, j’ai demandé à Feldman ce qui m’arriverait si je n’étais pas séparé de lui par mesure de sécurité. J’ai alors senti dans son rire que, sans la vitre blindée, il m’aurait probablement assassiné ce jour-là» a expliqué le courageux cinéaste. «Je ne fais pas des films pour me faire tuer, vous savez» a grincé Herzog devant un public terrifié. Herzog, encore impressionné par la rencontre avec ce tueur schizophrène tout droit sorti d’un film d’épouvante, confesse avoir ressenti une inquiétante attirance pour un homme «qui aurait pu être un fidèle compagnon de route».
En effet, le globe-trotter Douglas Feldman a visité quasiment tous les continents. Par une étrange coïncidence, il a séjourné dans le voisinage immédiat des lieux de tournage de Werner Herzog. Ainsi deux fois au Pérou en 1972 pendant le tournage de «Aguirre», et en 1982 pour «Fitzcarraldo».
Un sinistre concours de circonstances qui n’a pas laissé de marbre les spectateurs. Mais l’angoisse n’a pas pour autant douché l’enthousiasme du public. Les documentaires ont été chaudement applaudis mercredi soir à Locarno.
Death Row II, Darlie Routier & Douglas Feldman, 2013, 55’ & 56’
Director : Werner Herzog
Catégorie « Fuori Concorso », Festival del film Locarno
Blaise Fasel